Sept CRS jugés pour viols sur des prostituées

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Ce n’est pas la première affaire du genre. Toutes obéissent au schéma éculé de la virée entre hommes, puissamment arrosée, et dont « le clou » demeure la domination sexuelle, facilitée par le port de l’uniforme.

L’affaire jugée en septembre 2007 avait débuté en mai 2003. Deux jeunes Albanaises du boulevard des Maréchaux s’étaient confiées à l’Amicale du Nid qui avait dénoncé les faits à l’IGS, la « police des polices ».

Aussitôt révoqués, les sept membres de la CRS (Compagnie républicaine de sécurité) de Deuil-la-Barre, dans l’Oise, ont donc été jugés devant la cour d’assises de Paris pour viols par personnes dépositaires de l’autorité publique et en réunion sur de jeunes prostituées étrangères.

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Les trois principaux accusés ont été condamnés à sept ans de prison ferme (au lieu des huit à dix ans requis par l’avocat général), deux de leurs complices à de la prison avec sursis (l’un trois ans, l’autre un an) et deux ont été acquittés.

Le procès s’est ouvert le 7 septembre 2007 en présence de l’une des plaignantes, une jeune Albanaise de 28 ans, Irini, prostituée au moment des faits. Cette dernière gardera sans doute longtemps le souvenir du pays des droits de l’homme : violée par des représentants de la loi, puis expulsée vers son pays d’origine après avoir livré son témoignage contre les trois principaux accusés…

C’était comme avoir un sandwich à tarif réduit, a expliqué l’un des accusés

Les autres victimes, quatre jeunes femmes au moins, ont disparu après les faits par peur des policiers et n’ont pas été retrouvées. Heureusement, le procès a eu lieu. Onze faits de viols ont été retenus. Les policiers, en général fortement alcoolisés, ont agi le soir et les week-ends, en uniforme et avec leurs insignes, sur le boulevard des Maréchaux qui se trouvait en dehors de leur juridiction. Ils sont accusés d’avoir exercé un chantage sur les jeunes femmes étrangères en les menaçant de dénoncer leur situation irrégulière.

Comme toujours, les agresseurs se sont réfugiés derrière l’argument du consentement. Dans leur esprit, elles étaient évidemment consentantes. Ils ont également expliqué qu’en l’absence de violences, ils n’avaient pas conscience de commettre des viols. C’était comme avoir des sandwiches à tarif réduit, a expliqué avec élégance l’un des accusés.

Deux des policiers ont avoué avoir mené ce genre d’expédition plusieurs fois par le passé. Le rapport de l’IGS n’a d’ailleurs pas manqué de souligner la relative banalité des faits : Il apparaît de manière dramatique que les faits ne sont pas isolés et exclusivement dùs à une consommation d’alcool, mais font partie de pratiques répandues auprès de plusieurs membres de leur section.

On peut se féliciter qu’une telle affaire ait été portée au grand jour et que soit ainsi dénoncée une pratique qui, pour certaines personnes prostituées, fait partie du prix à payer pour ne pas être poursuivies. On mesure par la même occasion l’étendue du travail qui reste à accomplir pour que, pour ces hommes censés représenter la loi comme pour l’ensemble de la société, une personne prostituée cesse d’être considérée comme un simple objet sexuel à disposition, avec tout le mépris que cela suppose.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.