Liège, projet « Isatis » : pour la commission «Femmes et Ville», c’est non

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Le projet de « bordel associatif » porté par la ville de Liège avec l’association Isatis, a soulevé début mai 2011 les critiques étayées et sans concession de la commission municipale « Femmes et ville »…

La commission communale consultative «Femmes et ville», mandatée pour remettre des avis sur les projets de la ville de Liège et leurs effets sur la réduction des inégalités entre femmes et hommes, a rendu un avis clair et net au projet de «bordel associatif» Isatis. Elle déconseille la poursuite de ce projet d’Eros center et émet un avis nettement défavorable, en soulignant son caractère contradictoire avec la signature apportée par le Conseil Communal de la Ville de Liège à la Charte Egalité Femmes – Hommes en 2001. Alors que la ville prétend ne pas porter le projet et renvoie sur l’asbl Isatis -, la Commission insiste sur son évidente implication : conseillers communaux, terrain à disposition, garantie pour l’emprunt de 5 millions d’euros, etc. Elle répond par ailleurs aux arguments sociaux avancés en rappelant quelques faits : en ne touchant que la prostitution de vitrine, le projet Isatis ne va résoudre ni les problèmes de nuisances liés à la prostitution, ni la traite, ni la sécurité des plus vulnérables.
L’obligation d’adopter un statut d’indépendante ne peut qu’institutionnaliser l’activité et repousser de nombreuses personnes dans la clandestinité. Le projet, cher et inadéquat, contribue à la banalisation de la prostitution et ne propose aucun plan social concret en faveur d’alternatives pour les personnes prostituées. Enfin, l’approche de réduction des risques, prônée par Isatis, ne s’attaque pas aux causes de la prostitution et ne tient pas compte du rôle des « clients ». La Commission demande donc aux autorités communales de soutenir les associations proposant des projets pour les personnes qui veulent quitter le système prostitutionnel et de lutter contre les causes en lançant des campagnes de prévention et de sensibilisation en direction du grand public. Elle exige l’inclusion dans les programmes scolaires d’une éducation à l’égalité et d’un refus de toute banalisation de la prostitution. On remarque toutefois que la Commission ne se risque pas à demander une quelconque action pénale contre les « clients » prostitueurs. Il est encore difficile en Belgique, où la prostitution est plus banalisée encore qu’en France, de poser la responsabilité majeure de cet acteur clé.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.