C’est pour rigoler

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La prostitution constitue et a toujours constitué un thème privilégié de la littérature.
Aussi, nous a-t-il paru important de mettre en lumière la façon dont elle est dépeinte par les romanciers.

Dans cette nouvelle rubrique, les citations littéraires sont mises en parallèle avec les témoignages actuels des personnes prostituées, comme des clients.

Une mise en perspective riche d’enseignements…

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C’est plutôt histoire de rigoler


Week-end à Zuydcoote, Robert Merle, 1949, p19 et 20.

(…) Il y a ma femme, et c’est tout. Il y en a qui cavalent, qui n’arrêtent pas. C’est pas mon genre. Moi, deux ou trois fois par semaine, je dis pas, avec les copains, et c’est plutôt histoire de rigoler. (…) Il y en avait toujours un qui proposait. – eh les potes ! on s’en envoie une ?

On pouvait pas refuser, tu penses, de quoi on aurait-eu l’air ? – D’accord, on disait, et hop ! chacun dans sa bagnole, on savait où on allait, on connaît les rues (…) on s’arrêtait, on sifflait les mômes !

– Ça te faisait plaisir ?

Virrel regarda Maillat d’un air étonné.

– T’es pas fou ? c’était pas pour le plaisir, je t’ai déjà dit, c’était pour la rigolade.

C’était un amusement… un jeu, mais un jeu excitant

Témoignage d’un « client » prostitueur.

C’était souvent le week-end, on se disait (…) : «On va manger à… Qu’est-ce qu’on fait avant ? On passe au bois de Boulogne ? » Ou après, souvent, on disait : « Tiens, on va boire l’apéritif ? ».
L’apéritif, ça veut dire qu’on va au Bois de Boulogne, ou alors c’était le digestif. C’était ou avant ou après (…). C’était un amusement, comme je disais à l’époque. C’était de l’amusement et du besoin. Cela dit, j’avais une copine à l’époque avec qui je m’entendais bien. Mais on était sortis entre copains donc, c’était évident (…). Il n’y avait pas de questions, pas de compte à rendre, c’était facile, voilà, c’était un jeu, mais un jeu excitant.


Premier roman de Robert Merle (1908-2004) publié en 1949, Week-end à Zuydcoote a obtenu le prix Goncourt et a été adapté au cinéma par Henri Verneuil en 1964. Ce roman s’inspire d’un épisode sombre de la débâcle de 1940 : la tragédie de Dunkerque.

L’extrait de témoignage a été publié dans Les clients de la prostitution, Claudine Legardinier et Saïd Bouamama, Presses de la Renaissance, 2006, p192.