Survivantes de la prostitution

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Rosen Hicher et Laurence Noëlle ont connu l’expérience de la prostitution. Aujourd’hui, elles militent pour l’abolition du système prostitueur et vont à la rencontre d’autres victimes de cette violence qui les a marquées à vie. Documentariste aguerri, Hubert Dubois filme, d’avril à décembre 2013, un moment charnière de leur engagement.

Sortir de la honte et du silence, nous montrer aujourd’hui pour que d’autres se l’autorisent. Ces mots de Laurence Noelle, le 13 avril 2013, devant une cinquantaine d’associations féministes et des personnalités politiques de tous bords, ouvrent la longue marche entamée par la branche française des « Survivantes ». A ses côtés, Rosen Hicher et Nathalie : trois femmes puissantes, comme les appelle justement, pour bien les connaître, la journaliste Claudine Legardinier[[Retrouvez la vidéo de cette prise de parole, et bien d’autres, sur le blog de l’événement : abolition13avril.wordpress.com]].

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Les projecteurs s’éteignent et l’élan des « Survivantes » se poursuit, comme on le découvre en les suivant au fil des mois : filmées sac au dos, attrapant un train, ou travaillant sur une ébauche de livre[[Le livre de Laurence Noëlle, <em>Renaître de ses hontes</em>, a été publié aux Éditions Le Passeur.]], partageant leur expérience avec différents auditoires, des étudiants en travail social au grand public d’une émission télévisée ou des colonnes d’un magazine… et jusqu’aux détenus que Laurence Noëlle, formatrice, rencontre dans son activité professionnelle.

Premier jalon, la démonstration que la prostitution n’est pas une fatalité, une malchance individuelle mais un système alimenté par des victimes façonnées pour l’occasion. Je devais y rester quelques temps, j’y suis restée vingt-deux ans, explique Rosen. Complètement en accord avec moi-même. C’était ma liberté ; comme si j’allais travailler, un travail normal. Après quelque temps de réflexion, je me suis rendue compte qu’on m’avait construite [comme prostituée]. On ne nait pas prostituée, on nous fait le devenir. Un abus, un viol, la violence familiale… 

Pour Laurence et Myriam, les agressions sexuelles, les viols commencent dès l’enfance. Quant à Nathalie, son proxénète a été son propre père : Dans la prostitution, je ne m’appelais pas Nathalie, mais Jennifer ; Jennifer, c’est celle que mon père avait créée, que les clients avaient créée par leurs mots et par leurs actes. (…) On entend les mots pute, salope, tu ne vaux rien, tu n’es bonne qu’à baiser.

Un mécanisme effroyable, par lequel on est mise à la porte de soi-même.

Moi, il y avait deux femmes, renchérit Laurence : celle qui était la traînée, la poupée avec qui on pouvait jouer tant qu’on voulait et puis l’autre femme qui ne voulait surtout pas que l’on sache à quel point elle se sentait crasseuse. C’est une dichotomie, je me suis coupée de mon corps. Laurence dit la difficulté de se réconcilier avec la « vraie » Laurence, et au prix de quelle souffrance.

Deuxième dévoilement : la mise à jour de la violence que constitue le fait d’être prostituée, contre le déni de tous, de soi-même parfois. Le corps n’est pas dupe, comme l’expose simplement Nathalie : C’est une violence sexuelle car même si on n’a pas envie, on dit oui […] le corps le ressent comme un viol. Toutes parlent de bullequand on est à l’intérieur de la prostitution, on est dans sa bulle, c’est à l’extérieur qu’on se rend compte de la violence – ou de forteresse. Des emmurées vivantes :À un moment donné [la forteresse] s’effondre. Alors on réalise, on prend conscience (…) et on frappe à toutes les portes. Et ce sont des portes qui se referment, décrit Nathalie.

C’est contre ces portes closes, contre l’aveuglement persistant, pour que la société connaisse la réalité de la prostitution telle que vécue de l’intérieur que le réalisateur s’est engagé.

Pour lui, les temps seraient devenus plus propices : Quasiment inaudibles il y a quelques mois, les survivantes de la prostitution ont imposé leurs voix. Autour d’elles, la députée Danielle Bousquet à l’origine du Rapport Bousquet-Geoffroy (2011), aujourd’hui présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, fait état de la violence la plus sordide, la plus extrême que vivent ces personnes ; le Mouvement du Nid aussi dont le secrétaire général Grégoire Théry, mesure l’enjeu des « Survivantes » : Est-ce qu’on peut abolir le système prostitueur sans que les personnes qui ont survécu à la prostitution le fassent elles-mêmes ou soient partie prenante?[…] Si la France doit abolir le système prostitutionnel, ce sera avec les personnes qui l’ont vécu.

Si le mouvement est appelé à jouer un rôle de catalyseur dans la prise de conscience de l’opinion publique et le changement de mentalités, il n’en est qu’à ses débuts. Le documentaire montre Rosen prendre son bâton de pèlerin pour partir à la rencontre de femmes victimes : une action capitale car elles ont l’impression qu’elles sont seules à le vivre… alors qu’en fait on est toutes pareilles, on est passées par toutes ces étapes, nécessaires à une reconstruction, reprendre sa vie en main, avancer.

L’apport critique des survivantes est également mis en exergue, par exemple sur une émission télévisée pétrie de complaisance, où des « clients » célèbres se pavanent et s’indignent à l’idée qu’on leur refuse leur droit à disposer de la sexualité d’autrui.

L’avenir est ouvert. Laurence nous confiait, dans un entretien, prendre des contacts avec d’autres survivantes de par le monde, jusqu’aux Etats-Unis ou en Irlande : L’idée que l’on pourrait toutes se rejoindre, faire quelque chose ensemble, c’est pour moi l’état de grâce. Un objectif, contribuer à ce que, à l’avenir, les ados grandissent dans l’idée que ce n’est pas bien d’être client, et les filles apprennent à pouvoir dire non.

Elles ont les yeux braqués vers l’avenir, ces femmes qui dégagent une énergie si positive, et qui semble inépuisables. On sait gré au réalisateur de leur avoir ménagé, enfin, cet espace médiatique où elles se révèlent, ce germe d’une aventure dédiée à l’émancipation de tous et toutes, ce refus actif de la violence et de la destruction dont elles se sont courageusement extirpées.

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« Survivantes de la prostitution », enfin en DVD!

Le documentaire est désormais disponible en DVD. Contactez-nous pour vous procurer, contre 5 € de participation aux frais + frais d’envoi.

Prostitution et Société, partenaire du film

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Diffusions

LCP (TNT, câble, satellite) dimanche 9 février 2014 à 20h35

24-24 dimanche 2 mars 2014 à 14h00

LCP dimanche 2 mars 2014 à 14h05

LCP vendredi 14 mars 2014 à 00h15

24-24 vendredi 14 mars 2014 à 00h20

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Grand écran : Survivantes de la prostitution par LCP

Photographies

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