Des mots crus

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La prostitution constitue et a toujours constitué un thème privilégié de la littérature.
Aussi, nous a-t-il paru important de mettre en lumière la façon dont elle est dépeinte par les romanciers.

Dans cette rubrique, les citations littéraires sont mises en parallèle avec les témoignages actuels des personnes prostituées, comme des « clients ».

Une mise en perspective riche d’enseignements !

Annonce

L’enfant assista (…) à  la divulgation (…) de tous les secrets dégoûtants de l’amour coupable et de la prostitution.

La fille Elisa , Edmond de Goncourt, Zulma poche, 2004, p 15

Son enfance avait grandi dans l’exhibition intime et les entrailles secrètes du métier (!). La révélation des mystères et des hontes du commerce de l’homme et de la femme de Paris vint la trouver dans sa couchette, presque dans son berceau. La croyance naïve de la petite fille au nouveau-né trouvé sous le buisson de roses de l’enseigne maternelle fut emportée par des paroles cochonnes, instruisant son ignorance avec d’érotiques détails, des matérialités de la procréation. Du milieu de la nuit de son cabinet, l’enfant alitée, l’enfant à  la pensée inoccupée, rêvassante, assista aux aventures du déshonneur, à  la divulgation quotidienne de toutes les impuretés salissantes, de tous les secrets dégoûtants de l’amour coupable et de la prostitution.

Ce roman décrit l’enfance misérable d’Elisa, l’héroïne qui s’enfuira en province, avant d’être prostituée en maison close, puis dans la rue. Elle s’amourache d’un soldat qu’elle assassine dans un moment d’égarement. Condamnée à  mort puis graciée, elle sombrera dans la folie.

Témoignage de Marc, Prostitution et Société n° 182, juillet-septembre 2013

« J’ai été un homosexuel rejeté par ma famille. Mon identité sexuelle, je l’ai cachée longtemps comme quelque chose de honteux, de sale. Je me suis détesté et j’ai compartimenté ma vie. J’appartiens à  la classe moyenne et j’ai grandi dans un climat incestuel ; à  4 ans, ma mère me parlait de mon identité sexuelle et m’humiliait en me disant de mettre des robes ; elle me serinait que je finirais mal. C’est ce que j’appelle une PPP, une pensée persistante paralysante.

Je sais maintenant ce qu’a pesé, inconsciemment, le rejet de mes parents et la confusion de ma mère entre homosexualité et prostitution. Pour elle, j’étais destiné à  devenir un marginal. »

Témoignage d’un client paru dans Prostitution et Société n°146

« On parlait trop de sexualité à  mon goùt avec le recul. J’avais su que mes parents avaient des relations extérieures, chacun de leur côté (!). A l’époque il existait ce qu’on appelait le réseau. C’était, je pense, des couples échangistes. Mon père, je ne crois pas qu’il en faisait partie. Il allait plutôt voir dans des instituts comme ça se faisait à  l’époque, des sortes de maisons closes. »

Témoignage de Mylène paru dans Prostitution et Société n°138

« Ma mère m’a raconté sa nuit de noces. En long et en large. A neuf ans, je savais tout. A six, elle m’avait déjà  tout dit sur les règles et le Père Noël. A onze, elle m’a présenté son amant et m’a expliqué qu’il pratiquait la sodomie en guise de contraception. Quand j’ai dit la vérité à  ma mère, bien plus tard sur ma vie en Allemagne, elle m’a interrogée d’un œil lubrique. »