La caissière et la putain

1959

Que disent « les gens » de la prostitution ? Pas n’importe quels gens : la philosophe Elisabeth Badinter, qui se livre à  une défense si acharnée du droit des mâles que l’auteur croit entendre Eric Zemmour ; Marcel Nuss, l’ardent défenseur de « l’accompagnement sexuel » pour les personnes handicapées qui juge qu’après tout, les prostituées, « c’est leur boulot » ; l’ex porte-parole du Strass, Morgane Merteuil, qui, par la magie des mots, transfigure l’obligation pour l’étudiante fauchée qu’elle était de « tailler des pipes » à  la construction d’« un art », d’« un humanisme » et d’une « science », termes qu’elles emprunte à  Grisélidis Réal.

On croise donc dans ces pages bien des gens : le journaliste Yves Calvi clamant sur RTL (en 2016, pas au moyen âge) que la pénalisation des clients sera la cause d’incestes, de viols et de pédophilie. L’homme politique François Bayrou qui ne veut pas que pareille pulsion soit considérée comme un délit. Le comédien Philippe Caubère vitupérant contre les « féministes ». Le cinéaste François Ozon et sa litanie de stéréotypes dans le film Jeune et jolie. Les 19 pathétiques « salauds » du manifeste Touche pas à  ma pute. Les « clients » et leur dégazage (il n’y a pas d’autre mot) sur les sites destinés à  recueillir leurs commentaires de « consommateurs ».

On entend ceux qui parlent, ceux qui écrivent, ceux qui peignent, ceux qui se taisent aussi. Les pires, et les meilleurs heureusement, comme la méconnue Mary Louise Roberts dont les travaux sur les GI’s sont exemplaires.

Annonce

Face au degré zéro d’une pensée obnubilée depuis la première croisade et même avant par les « besoins sexuels » mâles, on veut retenir que la position sur la prostitution est « une affaire de génération ». « Plus on est jeune, homme ou femme, moins on adhère au dogme en faveur de la prostitution », rappelle l’auteur relisant un sondage paru dans Causette en 2013.