« L’amour, dans ces yeux, était mort. »

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La prostitution constitue et a toujours constitué un thème privilégié de la littérature.
Aussi, nous a-t-il paru important de mettre en lumière la façon dont elle est dépeinte par les romanciers.
Dans cette rubrique, les citations littéraires sont mises en parallèle avec les témoignages actuels des personnes prostituées, comme des clients.
Une mise en perspective riche d’enseignements!

 L’amour, dans ces yeux, était mort 

Madame Edwarda, Georges Bataille, 10/18, 2004, p 51

Annonce

L’action se déroule près de la rue Saint-Denis à  Paris, réputée pour ses bordels. L’auteur met en scène une prostituée qui se déclare être Dieu tandis qu’elle exhibe ses « guenilles », à  savoir son sexe béant devant l’auteur-narrateur.

 Elle me vit : de son regard, à  ce moment là , je sus qu’il revenait de l’impossible et je vis, au fond d’elle, une fixité vertigineuse. A la racine, la crue qui l’inonda rejaillit dans ses larmes : les larmes ruisselèrent des yeux.
L’amour, dans ces yeux, était mort, un froid d’aurore en émanait, une transparence où je lisais la mort. Et tout était noué dans ce regard de rêve : les corps nus, les doigts qui ouvraient la chair, mon angoisse et le souvenir de la bave aux lèvres, il n’était rien qui ne contribuât à  ce glissement aveugle dans la mort. 

  J’ai donc fait  la morte lors de l’inceste et j’ai continué dans la prostitution. 
Témoignage de Laurence, auteure de Renaître de ses hontes (Le passeur, 2013), Prostitution et société, septembre 2013

 Pour se prostituer, il faut un état de concentration très particulier. Je prends des pétards, éventuellement des médicaments, des calmants. Faire ça, c’est être dans l’abandon d’une partie de soi ; c’est une forme de mort. 
Témoignage de Julie Prostitution et société, n°175

Pour se prostituer, il faut anesthésier son corps. Et j’avais anesthésié les douleurs réelles. On s’anesthésie tellement qu’on finit par s’endormir. C’est le début d’une mort. 
Témoignage de Rosen, Prostitution et société, n°176

Ce que tu es, ce que tu ressens, on s’en fiche. On pourrait être un cadavre, le gars ne le remarquerait même pas. D’ailleurs, une de mes copines, un client lui demandait de faire la morte! La prostitution, c’est une fuite en avant. Une expérience de mort
Témoignage de Sonia, Prostitution et société, n°180

 En onze mois, j’ai fait sept établissements! Au premier coup de sonnette, je suis morte. J’ai cessé d’exister. Je suis devenue une autre avec un autre prénom. Il faut se laisser soi-même à  la porte.
Témoignage de Fiona (1ère partie), Prostitution et société, n°162