Ma fille

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A travers l’histoire d’un père qui recherche désespérément sa fille dans le Paris nocturne, ce film interroge sur les conflits de loyauté des jeunes issus de l’immigration, pris entre leurs propres aspirations et la fidélité à  la tradition familiale

Hakim a pris la décision d’aller chercher à  Paris sa fille aînée Leïla qui, dans un SMS lapidaire, a annoncé qu’elle ne pourrait pas venir passer les fêtes de Noël dans le Jura avec sa famille. Ravi à  la perspective de faire une surprise à  Leïla, ce père de famille d’origine algérienne embarque avec lui sa fille cadette, Nedjma.
Ce film, librement inspiré d’un roman de Bernard Clavel [[Le voyage du père, Bernard Clavel, poche J’ai lu, 1968. De ce roman, un film est sorti en 1966, de Denys de La Patellière, avec Fernandel.]] décrit la quête d’un homme qui perdra en 48 heures ses illusions. Sa fille n’exerce pas un métier de coiffeuse dans un quartier chic de Paris, comme elle l’a toujours prétendu à  ses parents.
D’un bar de strip-tease à  un club échangiste, en passant par les boîtes de nuit ou des appartements de passe sordides, le père découvre l’impensable réalité : « Je n’arrive pas à  croire ce qu’on m’a dit », lance-t-il, désespéré, au répondeur du portable de Leïla qui demeure invariablement aux abonnés absents.
A travers ce qu’on lui raconte sur Leïla, le père ne reconnaît pas la fille sage qu’il a vu grandir ; une jeune femme qui a la tête sur les épaules et qui, n’en pouvant plus de « galérer » « voulait de la thune, beaucoup de thune et vite », comme lui révèle son souteneur Morad. Alors Leïla a rompu bru0talement avec ses racines et son passé, allant jusqu’à  prétendre que son père était mort.
Ce dernier ne cesse alors de s’interroger : pourquoi sa fille aînée ne leur a-t-elle pas demandé de l’aide lorsqu’elle en avait besoin ? Hakim voit également s’écrouler le modèle d’éducation transmis à  ses enfants, avec des principes auxquels sa fille aînée, ivre d’indépendance, a cessé d’adhérer.
Cet homme humble a poussé ses filles à  faire des études pour qu’elles puissent « avoir le choix », raconte-t-il à  sa fille cadette. Leïla a choisi une voie plus rapide pour gagner de l’argent, sans avoir besoin de diplôme.
A sa fille qui lui demande « ça ne te manque pas l’Algérie ? », Hakim raconte ce qu’il a tu, enfermé dans la honte de l’exil pendant près de vingt ans, depuis son arrivée en France. Les nuits parisiennes sous les abribus avant de pouvoir être logé dans un foyer pour travailleurs immigrés. Et le départ dans une aciérie du Jura où il est désormais contremaître. « Je voulais gagner de l’argent vite et rentrer chez moi », raconte-t-il à  sa fille. Mais il est finalement resté en France.
Ce film de Naidra Ayadi, réalisatrice elle-même issue de l’immigration, interroge sur le parcours de ces jeunes maghrébins qui sont confrontés à  des projets bâtis par leur famille, souvent en contradiction totale avec leurs propres ambitions, leur désir de liberté. Ces conflits de loyauté peuvent conduire à  des transgressions auto-destructrices.

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