Une belle surprise que ce polar qui allie à la fois la qualité d’écriture à une histoire bien ficelée et un engagement abolitionniste !
Le roman Milena ou le plus beau fémur du monde du mexicain Jorge Zepeda Patterson, est une belle surprise de la littérature « noire ». Loin des polars où l’on passe son temps à tuer, violer, prostituer des jeunes filles et femmes sans autre but que d’exciter « l’intérêt » des lecteurs et lectrices, celui-ci, tout en abordant la question de la traite des femmes à des fins de prostitution, s’avère très intéressant.
Milena est une jeune Ukrainienne ayant été victime de la traite à l’âge de 16 ans. Violée, battue, elle se retrouve prostituée pour les riches Espagnols. Avant de s’échapper et de devenir la compagne du directeur du principal journal mexicain, qui meurt dans ses bras d’une crise cardiaque, point de départ de l’intrigue.
Commence alors une quête, pendant laquelle Milena et les autres personnages se mobilisent contre la traite des êtres humains. Une quête, au cours de laquelle on se rend compte, peu à peu, que Milena ou le plus beau fémur du monde adopte un point de vue abolitionniste [[dans ses remerciements, l’auteur, un ancien journaliste, cite notamment la féministe radicale Sheila Jeffreys]] !
En effet, une partie du récit est faite des carnets de l’héroïne, passionnée d’écriture, dans lesquels elle a créé des personnages de « clients », qui parlent de leurs motivations, ou plutôt des excuses qu’ils se donnent, pour « se payer » des prostituées. Et l’auteur ne peut dissimuler son point de vue lorsqu’il dit ceci, à propos de Milena et ses « clients » :
« La haine, qui bouillait dans sa poitrine avec autant de consistance que le silicone récemment posé, était tournée vers ses clients plus que vers ses exploiteurs : le proxénète et les gorilles qui la surveillaient étaient, avec elles et ses compagnes, les maillons d’une machinerie bien huilée au service de ces hommes qui venaient tous les soirs l’enduire de leurs liquides visqueux. Le lendemain, chacun d’eux reprenait une vie normale, en marge de l’enfer qu’ils finançaient, se sentant légitimés et exempts de toute faute, parce qu’ils avaient payé une poignée d’euros ».