« Les femmes sont des salopes, les hommes des Don Juan »

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Florence Montreynaud, écrivaine, fondatrice des Chiennes de garde et de Zéromacho, sort en librairie ce 8 mars « Les femmes sont des salopes, les hommes sont des Don Juan », un nouvel essai, sur la double morale sexuelle. Une réussite !

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« La sexualité humaine reste un système global d’oppression des femmes. » Voilà le cadre posé. Et inutile de se consoler en renvoyant la double morale à un passé révolu. Car le patriar- cat (dont est donnée ici une utile définition, de même qu’aux mots sexisme ou machisme) n’a rien perdu de son mordant et persiste à affirmer la domination masculine par une violence permanente.

Parmi ses différentes stratégies, « la double morale sexuelle est l’une des plus efficaces pour disqualifier les femmes de toute prétention à l’égalité et donc au partage équitable du pouvoir.» Malgré l’égalité formelle inscrite dans la loi, elle demeure l’un des fondements de notre organisation sociale. 

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Le livre que Florence Montreynaud consacre à la question, du « couple infernal de la salope et du Don Juan », le montre à toutes les pages, sans omettre de déboulonner le «mythe» de la libération sexuelle au 20e siècle. Même les mots, nos mots de tous les jours, reflètent cruellement cette dissymétrie. La langue est sexiste, et jamais autant que lorsqu’elle évoque le sexe. 

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Le mot « pute », examiné sous toutes les coutures, en est un vivant exemple. « Ce qui est permis aux garçons et aux hommes, et même attendu d’eux comme une preuve de virilité, est refusé aux filles et aux femmes, sous peine de condamna- tion sociale. Si peu qu’elles s’écartent de la norme du groupe, une insulte fuse, un mot sans équivalent masculin : “Pute !” ». 

L’insulte, en effet, n’a pas de mascu- lin. Ou, quand elle en a un, c’est pour verser dans l’homophobie (pédé, enculé), ce qui ne vaut pas mieux. Pour atteindre une femme, pas de meilleure technique que l’insulte sexuelle. Les femmes politiques en savent quelque chose. Florence Montreynaud raconte avoir renoncé à ses propres ambitions en la matière après avoir vu les affiches de la candidate qu’elle fut barrées du mot «pute». Une insulte dont elle a alors mesuré toute la violence et dont elle a subi à son corps défendant la dégradation. 

En filigrane, on comprend à quel point l’institution prostitutionnelle, à laquelle les sociétés montrent leur indéfectible attachement, est un fossile hérité du patriarcat le plus
arriéré. Cette citation de la
linguiste britannique Debbie Cameron, pour qui les femmes restent des citoyennes de seconde zone, est à cet égard éclairante : « leurs besoins, leurs droits et leurs sentiments ne sont pas importants, ou du moins, pas assez importants pour justifier une restriction de la liberté des garçons. » Le système prosti- tutionnel en est la preuve éclatante. 

Heureusement, il n’est pas dans la nature de Florence Montreynaud, féministe de toujours, de s’avouer vaincue[1]. Elle propose donc des pistes pour un monde moins violent et plus juste, chemin déjà emprunté par d’illustres prédécesseuses comme Alexandra Kollontaï ou Madeleine Pelletier. Sans se départir de son humour : « Thérèse qui rit quand on la baise» est une scie qui n’amuse que les machos. Et Éric, il rit quand on le nique ? » 

Parution le 8 mars aux Editions Hachette

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.