Toutes les compétences psycho-sociales jouent un rôle important dans le bien-être physique, mental et social de l’individu dans la mesure où elles influencent le sentiment d’efficacité personnelle, la confiance et l’estime de soi. En matière de santé et de sexualité, chez les jeunes notamment, elles favorisent l’adoption de comportements responsables…
La prévention fondée uniquement sur l’information et la remise en question des représentations sociales est insuffisante pour favoriser des comportements préventifs chez les jeunes. Car c’est se limiter à du discours. Il convient d’y ajouter un entraînement à l’utilisation des comportements concrets, un apprentissage et un entraînement des compétences psycho-sociales et plus particulièrement relationnelles. Et concernant la prévention des conduites pré-prostitutionnelles qui tend toujours à être considérée comme un peu à part, celle-ci doit être replacée dans le cadre de l’éducation à la sexualité. Des jeunes utilisent la sexualité, ou revendiquent de l’utiliser, comme l’objet d’un chantage visant à maintenir une relation affective, une réputation, etc. Or, dès que la sexualité est utilisée, ou simplement présentée comme une monnaie d’échange, on est dans une démarche pré-prostitutionnelle. On voit bien, en effet, dans les histoires des personnes prostituées, comment elles ont d’abord été progressivement préparées à accepter l’idée qu’il serait banal, voire normal, de considérer un acte sexuel comme une contrepartie. Il s’agit donc de prévenir la marchandisation, l’instrumentalisation de la sexualité, question très actuelle dans l’environnement social ou médiatique qui vient souvent renforcer cette vision « marchande » de la sexualité et qui par ailleurs renvoie plus globalement à des relations filles-garçons, hommes-femmes, au moins inégalitaires – si ce n’est violentes. Et les violences à l’encontre des femmes constituent un terrain fertile à partir duquel se développe la prostitution. Les conduites pré-prostitutionnelles partagent plusieurs facteurs de risques individuels avec les conduites à risques plus classiques des adolescent-e-s : carences affectives et éducatives, mésestime de soi, dépendance affective, faible sentiment d’efficacité personnelle, difficulté à prendre des décisions, manque d’habiletés relationnelles et difficulté, voire refus, à utiliser un réseau d’aide. Le risque prostitutionnel n’est pas seulement constitué de facteurs individuels. Des facteurs de risques familiaux, socio-économiques et environnementaux entrent également en jeu. Pris individuellement, aucun d’entre eux ne suffit à expliquer l’entrée dans la prostitution. Il y a une question d’interaction entre ces facteurs et aussi, voire surtout, une question de contexte. Ce qui sert de déclencheur, et qui renvoie à un niveau interpersonnel donc aux compétences psycho-sociales, c’est toujours la rencontre avec le « milieu » : soit à partir de la fréquentation de groupes déviants, soit en imitation d’un-e copain/copine, soit, et c’est plus fréquent, à partir d’une pseudo-relation affective. À chaque fois, un lien de dépendance à ces personnes, à ces groupes, semble être en jeu dans la mesure où être rejeté par eux apparaît comme une menace insupportable. Il y a plusieurs manières d’entrer dans la prostitution mais on retrouve massivement cet élément déclencheur : la rencontre avec une personnalité manipulatrice qui va exploiter la vulnérabilité affective d’un-e jeune.Il y aura plusieurs étapes, comme dans toute manipulation. D’abord une étape importante de mise en confiance de sa proie par le manipulateur. Puis, petit à petit, une entrée progressive dans des conduites à risques, une préparation à l’idée de la prostitution, par la banalisation de l’échange sexuel, un conditionnement à y voir une manière d’être libre, de ne plus subir ce que l’on a éventuellement cherché à fuir. L’activité prostitutionnelle, qui ne sera jamais nommée comme telle, sera présentée comme une solution. Et reviendra comme une menace, plus ou moins voilée, la perte du lien affectif, dès que la proie manifestera une opposition. Cette stratégie, cette manipulation, fait beaucoup d’effet sur des jeunes qui ont des difficultés à savoir ce qu’ils souhaitent pour eux-mêmes et à se faire respecter des autres ; bien que l’on retrouve souvent dans leurs discours des phrases comme «j’ai du caractère, je ne me laisse pas faire» ; mais l’agressivité n’est pas l’affirmation de soi.