Prostitueurs : des stéréotypes persistants

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Des représentations, des croyances traversent les discours des prostitueurs comme de l’ensemble du corps social. Ces stéréotypes influencent les comportements. Voici les plus courants.

Elles aiment ça, elles l’ont choisi. Cette certitude interdit à certains hommes de seulement envisager, même face à l’évidence, que la personne qu’ils paient peut être contrainte. – Les prostituées sont différentes des autres femmes. Elles auraient des caractéristiques particulières, seraient plus libérées sexuellement, n’auraient pas de tabou. Cette croyance permet de construire le personnage de la « putain », porteuse de fantasmes. Sven Axel Mansson[[S.-A. Mansson, Les pratiques des hommes « clients » de la prostitution : influences et orientations pour le travail social, mars 2003 (pour la version française). À télécharger sur cette page.]] estime que le contenu de la visite à la prostituée a moins d’importance que la signification que cette visite revêt dans l’imaginaire de l’homme : cela revient à dire que ce qui se déroule réellement lors d’une visite à une prostituée est moins important que le sens qui s’y attache dans le fantasme de l’homme. – Les hommes ont des « besoins sexuels » plus ou moins irrépressibles. C’est la nature, c’est le plus vieux métier du monde sont des leitmotiv répétés partout dans le monde par les prostitueurs mais aussi par la société dans son ensemble. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien : Il n’y a pas de besoin sexuel. Le sexe est culturel, il est le fruit d’un apprentissage. La neurobiologie n’a aucun argument pour justifier ce prétendu instinct. , explique par exemple le psychiatre Philippe Brenot. – Ça évite les viols. Les « clients » prétendent que la prostitution a une fonction de catharsis (41% des hommes interrogés dans l’enquête écossaise Challenging men’s Demand[[L. Anderson, M. Farley, J. Golding et J. Macleod, Challenging Men’s Demand for Prostitution in Scotland. A Research Report Based on 110 Interviews with Men Who Bought Women in Prostitution, Women’s Support Project, 2008. À télécharger sur cette page.]]), mais disent ne pas être eux-mêmes en risque de devenir violeurs. Signalons au passage que l’État du Nevada, aux États-Unis, le seul à posséder des établissements légaux de prostitution, est aussi celui qui affiche le taux le plus élevé de viols[[FBI, Uniforme Crime Report, 2004.]].

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.