À la veille de la présidence française de l’Union européenne, le ministère de l’Intérieur a invité une soixantaine de représentants des polices et magistrats de différents pays européens destinataires de la traite (Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, Royaume-Uni, etc.), mais aussi quelques pays sources comme le Nigeria, le Cameroun et le Ghana, à se réunir pour un séminaire « La traite des êtres humains d’origine africaine à des fins d’exploitation sexuelle ». Le Mouvement du Nid – France a été sollicité pour y participer.
Organisée par l’OCRTEH (Office Central pour la Répression de la Traite des Êtres Humains) au palais des Congrès, à Paris, les 29 et 30 mai 2008, ce colloque de deux jours avait pour objectifs de conduire une réflexion sur la manière de partager les meilleures pratiques en matière de lutte contre la traite des êtres humains (TEH), sur la possibilité de créer des points de contacts européens, ainsi que de proposer des axes de coopération entre pays destinataires et pays sources.
Tous ceux qui rencontrent les personnes prostituées le savent bien, la prostitution des personnes en provenance d’Afrique n’a cessé de croître en France depuis quelques années[[Selon des chiffres de l’OCRTEH, environ 30 % des prostituées en France sont d’origine africaine contre 10 % en 2000.]], et elle procède d’une organisation bien différente de celle des réseaux de traite en provenance des pays d’Europe de l’Est, par exemple.
Parce qu’il est touché non seulement par la traite des êtres humains, mais aussi par de nombreux problèmes de criminalité organisée, le continent africain constitue aujourd’hui une priorité géographique pour la direction centrale de la police judiciaire française, qui partage ces préoccupations avec beaucoup de ses collègues européens.
La présence de Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’Homme, auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes pour ouvrir le séminaire, ainsi que la visite de
Mme Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, à la fin de la première journée, ont témoigné de l’intérêt de la France pour ces actions de coopération policière mais également judiciaire, avec la présence de représentants d’Eurojust aux côtés de ceux d’Europol et d’Interpol.
C’est avec beaucoup d’intérêt que l’on a pu entendre les participants des divers pays exposer leur approche dans la lutte contre la traite des êtres humains d’origine africaine. Mais ce fut aussi une occasion supplémentaire de constater à quel point l’unité de l’Europe reste encore à faire. En effet, selon le pays où elle se trouve, une personne victime de la traite se verra tour à tour considérée comme une délinquante, une migrante en situation irrégulière, ou bénéficiera d’un programme d’aide aux victimes ! De quoi arranger les trafiquants qui, on le sait, sont habiles à utiliser les moindres failles que leur offrent des systèmes non harmonisés.
Malgré tout, la coopération opérationnelle doit à tout prix être développée, et fait ses preuves, comme le montre l’exemple de démantèlement en 2008 par l’OCRTEH d’un réseau nigérian en collaboration avec le NAP-TIP [[Le NAP-TIP est l’équivalent del’OCRTEH au Nigeria.]].
L’OCRTEH a souhaité que des ONG soient représentées lors de ce séminaire, ce qui fut fait avec la présence de l’OIM (Office International des Migrations), de l’ALC, de la Fondation Scelles et du Mouvement du Nid – France. Le réalisateur Hubert Dubois a également été invité à projeter un extrait de son reportage « Grace, l’enfer du trottoir« , particulièrement éclairant sur l’utilisation du juju, pratiques de sorcellerie censées assurer la soumission des jeunes femmes destinées à partir vers l’Europe.
Le Mouvement du Nid – France, quant à lui, a pu présenter le projet piloté par la délégation des Hauts-de-Seine de prévention de la traite dans les pays d’origine, à savoir la campagne de prévention démarrée au Cameroun avec des partenaires locaux et, comme outil pédagogique, la bande dessinée Le secret du manguier, ou la jeunesse volée [Lire ici [.].
En effet, outre la nécessaire action policière, on ne peut espérer agir en matière de lutte contre la traite des êtres humains qu’en développant la prévention et la sensibilisation dans les pays sources et en initiant des actions de lutte contre la demande dans les pays destinataires.
À quand un séminaire des ONG et des associations sur le même thème, pour échanger sur les meilleures pratiques et promouvoir des partenariats entre pays sources et pays de destination ?