La ré-édition de La Dérobade est l’occasion de (re)découvrir ce grand témoignage au style impeccable, qui a gardé toute sa fièvre malgré les années.
Le récit de Jeanne Cordelier a tout juste trente ans. Il pourrait en avoir cent et avoir été écrit hier
. Ces mots de Benoîte Groult, dans l’avant-propos, disent toute l’actualité du sujet.
Trente ans après, pour sa réédition, la violence, la manipulation, la tromperie, la torture racontées par l’ancienne prostituée n’ont malheureusement pas pris une ride. Publié en 1976, ce texte incendiaire est sans doute le seul témoignage sur la prostitution qui soit devenu un succès littéraire.
Avec plus d’un million d’exemplaires vendus en France, traduit en 17 langues, encensé par les critiques, adapté au cinéma par Daniel Duval (en 1979, avec Miou Miou), La Dérobade contait l’histoire de Sophie et de sa rencontre avec Gégé, irrésistible séducteur et maquereau sans pitié. Une vérité crue, parfois insoutenable, et les mots de la révolte pour une femme vivante, résistante, debout face à l’irrespirable.
Quand la porte de la chambre a claqué, il n’y a plus d’échappatoire. Voie sans issue, pas de porte de secours
, écrivait l’auteure pour qui se prostituer, c’est comme vivre un éternel hiver
.
La réédition de ce grand livre est une initiative à saluer. On lira avec intérêt l’excellente préface de Benoîte Groult augmentée d’un avant-propos de la même auteure, et d’une postface inédite de Jeanne Cordelier intitulée « Les dessous de la Dérobade« .
Des textes qui tombent à point nommé et remettent les idées en place à l’heure où l’idéologie libérale voudrait nous vendre la prostitution comme un banal emploi de service et le proxénétisme comme un job rentable et branché.