La Commission spéciale du Sénat a adopté hier une version amendée de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Bancale, la nouvelle version du texte refuse purement et simplement d’aborder la responsabilité des « clients » dans le maintien et le développement de la violence prostitutionnelle. Mais l’adoption du texte en commission ouvre la voie à la suite du processus parlementaire qui devra rétablir la cohérence, et donc l’efficacité, du dispositif global.
Pas d’égalité Femmes/Hommes sans la pénalisation des « clients »
En retirant temporairement l’interdiction de tout achat d’un acte sexuel, 16 sénateurs contre 14 veulent maintenir l’impunité totale dont bénéficient les clients de la prostitution. La Commission spéciale n’a pas souhaité remettre en cause le droit des hommes à exploiter la précarité de plus vulnérables pour leur imposer un acte sexuel par l’argent
résume Claire Quidet, porte-parole de l’association. En refusant une inversion de la charge pénale, les sénateurs privent les personnes prostituées d’un moyen de pression effectif pour faire respecter leurs conditions aux clients qu’elles ne pourront donc pas dénoncer
. Cette version temporaire du texte va à rebours d’un mouvement historique de reconnaissance de la prostitution comme violence faite aux femmes et obstacle majeur à l’égalité femmes-hommes. Il est d’ailleurs frappant de noter que, saisis du même texte, le Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes (HCEFH) et les Délégations aux droits des femmes du Sénat et de l’Assemblée nationale ont rendu un avis favorable sur la pénalisation de l’achat d’un acte sexuel.
Un vote révélateur
Les opposants au texte qui dénonçaient initialement une loi globalement inutile, incohérente, ou mal écrite, n’avaient en fait qu’un objectif : s’opposer à la pénalisation des clients. Une fois cet objectif atteint, ils ont finalement convenu que les trois autres piliers du texte étaient indispensables à une amélioration de la protection et de la situation des personnes prostituées
déclare Grégoire Théry, Secrétaire général du Mouvement du Nid. En ce sens, il est stupéfiant d’entendre certains d’entre eux toujours appeler à l’abandon pur et simple du texte. Souhaitent-ils vraiment renoncer à toutes les dispositions protectrices qu’ils ont eux-même voté?
La porte ouverte à la suite du processus parlementaire
Le renforcement de toutes les autres dispositions (mesures de protection et d’accompagnement social, accès au titre de séjour, indemnisation des victimes, abrogation du délit de racolage etc..) rappelle et confirme que la proposition de loi adoptée à l’Assemblée nationale est un texte progressiste visant à mieux protéger et accompagner les personnes prostituées. Les 268 députéEs (contre 138) ayant voté en faveur de la pénalisation des clients devront redonner sa cohérence au texte en seconde lecture à l’Assemblée.