Editorial du n°208 de Prostitution et Société, par Claire Quidet, présidente du Mouvement du Nid.
Le 13 avril 2016, la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées entrait en vigueur. 5 ans déjà !
Pour les premières concernées, il était grand temps ! Que soit mis fin à cette injustice qui pénalisait des victimes, avec l’abrogation du délit de racolage. Que soit encore mieux reconnue la responsabilité criminelle des proxénètes. Que soit enfin dénoncée cette insupportable impunité des « clients » prostitueurs, renforcée par la complaisance de la société. Il était grand temps aussi de proposer à toutes les personnes prostituées qui le souhaitent des alternatives crédibles. Les parcours de sortie de prostitution sont pour elles, une avancée inédite pour envisager un autre avenir. Le Mouvement du Nid en recueille les résultats sur le vif : malgré tous les obstacles, dès lors qu’ils sont mis en œuvre, ces parcours sont des réussites. Des vies en sont changées !
À travers cette loi, c’est aussi la société tout entière qui est invitée à changer de regard ; le système prostitutionnel doit maintenant être reconnu pour ce qu’il est. Ce qu’il est ? Une violence contre les femmes, dont les agresseurs sont les proxénètes et les « clients » prostitueurs ; et un obstacle majeur à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Lire notre dossier : 5 ans après, pour une phase 2 de la loi du 13 avril 2016
Les effets s’en font déjà sentir. Les comportements évoluent. Ce changement, nous le constatons sur le terrain. Sur le plan pénal par exemple, comme l’atteste notre rubrique « Actu », les proxénètes et les agresseurs des personnes prostituées sont déjà jugés plus sévèrement. Le soutien de la société à la loi est réel, comme le montre le sondage IPSOS en janvier 2019 : 78 % de la population française approuve la loi.
Alors oui, la loi est bonne… Mais après 5 ans, elle est trop peu mise en œuvre. Le Mouvement du Nid et d’autres associations de terrain, regroupées au sein de FACT-S,
en ont fait le constat précis et détaillé en partageant leur bilan (voir notre dossier). 5 ans, au regard de siècles d’acceptation de la soumission des femmes à un droit sexuel des hommes, 5 ans face des mentalités profon- dément ancrées, c’est bien peu. Il faut aller plus loin, plus vite ; appliquer l’interdiction d’achat d’actes sexuels sur l’ensemble du territoire ; permettre un accès massif aux parcours de sortie de prostitution. Il faut des consignes claires, des actions cohérentes, des campagnes de communication… En un mot, il faut un portage politique fort ! Nous voulons une phase 2 de la loi !