Dans Au lendemain de l’odyssée, Helen Doyle, documentariste québécoise, s’est intéressée au parcours de femmes nigérianes victimes de traite en Italie. Un magnifique film qui raconte l’exploitation, mais aussi l’immense capacité des femmes à s’en sortir, dans la solidarité.
« Basta et Basta. On veut vivre comme des êtres humaines ! »
Stéphanie, survivante de la traite
Les personnes qui accompagnent des femmes victimes de prostitution le savent. Dès lors qu’on écoute ces femmes, qu’on est dans une posture féministe et égalitaire, on est émerveillé·es par leur force, et leur capacité à rénventer leur vie, malgré les traumatismes.
C’est ce que nous donne à voir Au lendemain de l’Odyssée, qui suit le parcours de trois femmes à différents moments de leur chemin de sortie, ainsi que les femmes qui les soutiennent et les défendent.
Stéphanie parle aujourd’hui l’italien couramment et raconte l’horreur de l’esclavage sexuel vécu en Libye – elle avait 14 ans, avant de risquer sa vie en traversant la Méditerranée. Avec une artiste féministe sicilienne, elle parle de la domination des hommes – un point commun entre leurs deux cultures. Stéphanie s’interroge : « Pourquoi les hommes ont-ils le droit de parler librement, alors que nous devons nous taire ? ». Une prise de conscience, qui est déjà l’ébauche de la révolte.
Le film analyse les ressorts de la traite, de l’exploitation, jusqu’à, souvent, la reproduction de la violence par les « Madam ». Precious explique que « les madames ont vécu ça (la traite et prostitution NDLR), elles sont une figure valorisée dans la société nigériane, qui semble donner la possibilité aux filles d’avoir un autre avenir. Mais on ne parle pas de la torture et de l’exploitation vécues sur le chemin pour arriver là. ».
Au lendemain de l’odyssée, l’espoir
Gladys a dû faire adopter sa fille Sabrina par une voisine, pour ne pas la mettre en danger. La voisine, devenue la deuxième mère, s’est occupée d’elle toute son enfance. Aujourd’hui, c’est Sabrina qui raconte leur histoire dans un livre rendant hommage à leur force et à leur sororité.
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La réalisatrice suit aussi les accompagnantes, dans des associations, depuis le sauvetage en mer jusqu’à l’accession à des activités professionnelles ou d’émancipation. Elle inclut également dans le film Elena Perlino, photographe italienne, qui a décidé de documenter la vie de ces oubliées de la société italienne, avec de magnifiques clichés. Elle montre le vrai visage des prostitueurs, excités de payer 5 ou 10 euros des filles, souvent mineures, dans des endroits totalement insalubres. Une journaliste, une écrivaine, donnent également le contexte de cet esclavage, et cette déshumanisation de filles et de femmes.
Enfin, le film montre, un peu comme le faisait notre dossier « Se libérer, elles s’en chargent » (n° 210), tout ce qui, une fois en sécurité, permet aux femmes de s’émanciper du passé.
Un changement de regard complet, qui permet de voir et comprendre la force des femmes, malgré les frontières, politiques économiques et patriarcales auxquelles elles sont confrontées.
Le film a été projeté fin septembre lors du festival « Femmes en résistance aux frontières » à Arcueil.
Bande-annonce du film