Je reviens de mourir

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Antoine Dole, chroniqueur littéraire et parolier, signe avec Je reviens de mourir un premier roman cruel et violent.

Les existences torturées de deux jeunes femmes d’à peine vingt ans, Ève et Marion, relatées d’un chapitre à l’autre, en alternance, en fournissent la trame. Un lien secret unit ces deux-là, en plus d’un point commun : l’une comme l’autre, elles courent vers leur propre destruction, encouragées par leur entourage.

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Ève multiplie les «coups d’un soir», recrutant sur Internet les garçons les plus déplaisants, «un connard de plus dans le flot sale des rencontres». Le mépris d’elle-même qu’elle en retire lui paraît nécessaire pour étouffer temporairement son désespoir.

Marion, elle, est une provinciale en rupture de ban familial, échouée à Paris :
Nicolas, médiocre night-clubber, la recueille puis la prostitue auprès des clients de sa boîte de nuit, baptisée « Fairy Tale » (Conte de fées).

Le récit de Marion est exemplaire, évoquant une prostitution banalisée – « clients choisis » et appartements confortables … – mais invivable. Le diagnostic relève de la justification : «la même idée qui tourne en boucle : je suis pas une pute, vu que les putes poussent sur les trottoirs (…) je ne le fais pas pour les mêmes raisons, alors ça change tout», et l’écœurement avec les clients en dit long : «Sentir sa main ramper sur ma hanche, ce n’est pas une caresse. Sentir son poids basculer vers moi, le matelas qui se creuse, c’est tout un gouffre qui m’avale». Marion se dissout pour ressentir le moins possible : «C’est une morte, qu’ils baisent, faut pas croire qu’ils achètent tout.»

Je reviens de mourir est un récit amer et cru, dépeignant le rapport destructeur de certaines relations amoureuses — Marion et Nicolas, mais aussi Ève et David, murés dans une incompréhension mutuelle –, l’emprisonnement dans les stéréotypes sexistes dont ni les unes, ni les autres, ne parviennent à se libérer. «C’est pas leur rendre service, leur faire cette éducation-là», constate Marion avec lucidité.