Les récentes positions du bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close (PS), en faveur du « combat des femmes », ont surpris en Belgique. Après des décennies de politiques locales bricolées au coup par coup, ce que des abolitionnistes appellent dans une récente tribune un « bordel sans nom », le débat sur la prostitution semble lancé. Même les médias s’en emparent suite à l’affaire de la publicité à destinations des étudiantes pour un site de « Sugar Daddies ». Du jamais vu dans un pays où Dodo la Saumure, proxénète notoire, a pignon sur rue et dans les médias.
La complaisance ne peut pas être éternelle. A la faveur des déclarations du bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close (PS), qui a fait part de son désir d’ « éradiquer » la prostitution dans le quartier de l’Alhambra (un terme malheureux mais une position qui tranche dans le paysage belge), la parole abolitionniste commence à se faire entendre. Ainsi, chose inédite, le journal Le Vif publie une tribune appelant à « abolir le système prostitutionnel » et à mettre en place une aide et des hébergements pour les victimes de la prostitution.
Les signataires (parmi lesquelles Céline Fremault, ministre chargée de l’aide aux personnes, Julie de Groote, présidente du Parlement francophone bruxellois, Isabelle Simonis, ministre de l’Enseignement de promotion sociale, de la jeunesse, des droits des femmes et de l’égalité, Viviane Teitelbaum, députée et présidente du Conseil des Femmes francophones de Belgique, etc.) appellent à des choix cohérents aux trois niveaux du pouvoir (fédéral, régions et communautés) afin d’en finir avec les cinq cents règlements sans queue ni tête éparpillés au plan local.
Inconstance des politiques à Bruxelles
A Bruxelles par exemple, la dernière politique en date (avant la prochaine et après la précédente annulée en juin 2016 par le Conseil d’Etat) a opté en mai 2017 pour un énième règlement contre les nuisances dans le quartier Alhambra et ses alentours ; règlement tout répressif interdisant aux personnes prostituées de racoler et aux clients de « rouler de manière anormalement lente »!
« Ouvrons le débat partout en Belgique. A vos cerveaux ! » déclarent donc les signataires de la tribune après avoir décrit un « système sexiste et raciste » et rappelé les agressions physiques, les viols et les stress post traumatiques qui font le quotidien prostitutionnel. « Non, la prostitution n’est pas un métier comme un autre », affirment-elles en citant le philosophe André Gorz (« Il est impossible de livrer son corps sans se livrer, de le laisser utiliser sans être humilié (1). ») : « Il s’agit d’une violence faite aux femmes. »
Un débat qui promet d’être âpre
Cet appel sera-t-il entendu dans un pays où la nouvelle secrétaire d’état bruxelloise à l’égalité des chances se prononce pour une réglementation sur le modèle de la Villa Tinto, bordel d’Anvers dont la presse célèbre les dix ans en termes idylliques, « haute sécurité », « meilleures conditions de travail », « service quatre étoiles » ? Sans oublier le « chiffre d’affaires exorbitant »!
On imagine qu’il faudra du temps ; et que le débat sera âpre entre les pro prostitution, eux mêmes divisés entre partisans de la Villa Tinto et opposants hostiles à un « ghetto réglementé », et les abolitionnistes. Mais un fait est indéniable : les temps changent.
(1) – André Gorz, Métamorphoses du travail, critique de la raison économique, Folio, 1988.
Photo Corinne Torekens/ Twitter