Depuis la tentation d’ouverture de zones de tolérance en 2004, la série de meurtres de jeunes prostituées à Ipswich par un « client » régulier en 2006 et le récent débat sur la pénalisation des « clients » prostitueurs, la prostitution est un sujet qui suscite de plus en plus d’intérêt au Royaume Uni. Le moment est donc opportun pour la publication de Big Brothel, une étude portant sur l’industrie du sexe à Londres, hors de la prostitution de rue. Le Poppy Project, à l’origine de cette enquête, a déjà publié en 2004 Sex in the city, une étude consacrée au femmes victimes de la traite dans l’industrie du sexe londonienne. Cinq ans après, les auteures de la nouvelle recherche se proposent de lever un coin du voile sur ce que cachent les annonces de sexe commercial publiées dans la presse.
La recherche, qui se concentre uniquement sur les établissements connus à partir des annonces publiées dans la presse écrite, a été menée par téléphone. Des enquêteurs hommes ont contacté les bordels en se présentant comme « clients » de façon à obtenir des renseignements sur la nationalité et l’âge des femmes, les tarifs et les « prestations ».
Les chercheuses, qui déplorent le peu d’intérêt et de recherches pour ce sujet, n’ignorent pas que les informations obtenues ne peuvent garantir une vérité « scientifique » mais elles ont conservé ce qui est apparu comme fiable et pertinent.
L’étude conclut ainsi à un minimum de près de 2000 femmes se trouvant dans les bordels locaux identifiables par l’intermédiaire de leurs annonces publicitaires. Elles appartiendraient à 75 nationalités différentes. Aucun établissement ne propose explicitement de jeunes filles de moins de 18 ans mais un certain nombre promettent des filles jeunes, très jeunes
.
85% des bordels se trouveraient dans des zones résidentielles et il en existerait en moyenne près de 30 par arrondissement. Les données du rapport portent sur 921 bordels, répartis sur 33 arrondissements, apparaissant comme porteurs de données fiables. Le record est détenu par le quartier de Westminster (dans le centre de Londres) avec 71 établissements contactés pour l’étude. Ces chiffres sont toutefois considérés comme la petite partie de l’iceberg puisque l’étude n’a pas pris en compte les innombrables annonces placardées dans les cabines téléphoniques ni celles diffusées sur Internet.
Près de deux tiers des bordels ont été identifiés comme des appartements privés. Plus d’un sur 10 aurait la façade officielle d’un salon de massage. Peu ont admis fournir des actes sexuels sans préservatif mais la majorité des établissements a conseillé de négocier directement avec les femmes prostituées… L’un a proposé un prix majoré, un autre a demandé au « client » de rappeler dans la semaine, en raison de l’arrivée de jeunes femmes d’Europe de l’Est.
Il apparaît par ailleurs que la logique commerciale s’applique implacablement. Les chercheuses ont constaté la montée des offres spéciales
, des discounts
. On trouve des propositions de bienvenue destinées à appâter, du type : 150 livres tout compris pour fellation sans préservatif, baisers et relation anale. Les auteures de l’étude soulignent que ces marchandages n’existaient pas il y a cinq ans, lors de leur précédente enquête. Entre 50 et 130 millions de livres (de 61 à 160 millions d’euros) seraient générés chaque année par ces bordels, par l’entremise des annonces illégales publiées dans la presse.
En conclusion, l’étude propose une série de recommandations. Citons notamment la reconnaissance par les autorités du continuum de violence existant entre la prostitution prétendument volontaire et la traite, l’identification des liens existant entre cette prostitution invisible et la traite, l’offre d’alternatives aux femmes concernées et la pénalisation des « clients » prostitueurs, dont la demande constitue un moteur pour la traite.