En Allemagne, les bordels ont été fermés le 16 mars et les studios de prostitution se sont vus interdire le droit de recevoir des « clients ». Selon la presse allemande, 80 % des femmes prostituées auraient depuis regagné leur pays d’origine. Cette situation de rupture inédite a conduit la ville de Karlsruhe à tenter une politique abolitionniste.
Depuis le 19 mars, de nombreuses villes comme Stuttgart, Baden Baden et Berlin ont purement et simplement interdit la prostitution, quel que soit le lieu, alors que d’autres, comme Frankfort, n’ont formellement interdit que la prostitution en établissement. Il semble qu’elle s’y poursuive encore dans la rue.
Selon la presse allemande, beaucoup de femmes étrangères, qui composent les quatre cinquièmes des personnes prostituées, auraient regagné leur pays, par exemple la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie. Il n’en resterait aujourd’hui que 20 % en Allemagne. Certaines poursuivent leurs activités clandestinement, chez elles, comme l’écrit Bento, le magazine en ligne du Spiegel. Certaines sont à la rue, d’autres sont désormais confinées dans les bordels où elles exercent habituellement leurs activités malgré le récent texte de 2017 qui interdit aux tenanciers d’héberger les femmes sur les lieux où elles exercent la prostitution. Si certaines le sont gratuitement, d’autres, à en croire l’association Amalie qui accueille les personnes prostituées à Mannheim, sont tenues de continuer à payer les tenanciers entre 100 et 170 € par jour alors qu’elles n’ont plus aucun revenu. La situation des femmes reste donc très difficile en Allemagne. Malgré la légalisation voulue par le pays en 2002, très peu d’entre elles ont des assurances santé puisqu’en immense majorité, elles n’ont pas fait la démarche de se déclarer aux autorités, préférant rester anonymes.
Dans ce contexte de rupture, la ville de Karlsruhe s’est saisie de l’occasion pour franchir une étape inédite dans un pays qui a libéralisé la prostitution et le proxénétisme. Dans le cadre de la lutte contre la pandémie, son maire, Frank Mentrup, a décidé l’interdiction dans sa ville de tout achat de « service sexuel ». Il a accompagné cette décision d’une déclaration publique en faveur du « modèle nordique » en vigueur en Suède et en France notamment, en se gardant d’indiquer la date à laquelle son décret prendrait fin.
Pour la psycho-traumatologue abolitionniste Ingeborg Kraus, qui a manifesté son opposition à la réclusion des femmes sur les lieux de leur exploitation et préconisé un hébergement provisoire en hôtel, cette initiative est un vrai pas en avant. Avec la survivante Sandra Norak, elle a salué cette décision et adressé le 15 avril une lettre à tou.te.s les président.es des länder ainsi qu’à la chancelière Angela Merkel pour leur demander de revoir la loi allemande sur la prostitution. Elles y invitent les élu.es à l’aligner sur les recommandations du Parlement Européen et de l’Assemblée du Conseil de l’Europe en pénalisant les « clients », proposent le maintien de la fermeture des bordels, la lutte contre le proxénétisme ainsi qu’une aide effective à la sortie de prostitution. Une pétition a également été mise en ligne.