Luxembourg : Encore un effort pour être abolitionniste !

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Avec son Plan d’action national Prostitution, le Luxembourg tente à  son tour de réduire les violences prostitutionnelles et de renforcer la lutte contre le proxénétisme. Mais la question du « client » le retient d’oser sauter le pas et il opte au final pour une politique mi-figue, mi-raisin.

Après le travail de consultation conduit depuis 2014, des visites ministérielles aux Pays-Bas et en Suède et un débat parlementaire, le Luxembourg a présenté le 29 juin 2016 sa nouvelle stratégie sur la prostitution : un premier Plan d’action national et un projet de loi renforçant la lutte contre l’exploitation de la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains.

Renforcement des mesures sociales en direction des personnes prostituées, aides à  la sortie de prostitution, durcissement de la répression à  l’égard des proxénètes, mise en œuvre d’une politique d’éducation affective et sexuelle! Jusqu’ici le modèle est abolitionniste.

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Les propriétaires et loueurs de lieux de prostitution pourront dorénavant être poursuivis, même sans preuve d’exploitation particulière. Les policiers pourront entrer dans les bars, appartements ou salons de massage sur simple présomption d’actes de prostitution et non plus d’actes avérés.

Mais lorsqu’il faut s’attaquer à  la question des « clients », c’en est fini de la clarté des idées. Le Luxembourg fait le choix de ne pas pénaliser les prostitueurs. Sauf! Sauf s’ils ont recours à  une personne mineure ou particulièrement vulnérable, ou une victime du proxénétisme ou de la traite des êtres humains. On prend soin de les rassurer : s’ils se montrent coopératifs en acceptant d’être entendus comme témoins, ils ne seront pas inquiétés.

Il s’agit donc de réduire la demande! en évitant de trop la contrarier. Cette timidité politique revient d’ailleurs à  lui donner la bénédiction de l’Etat en réaffirmant de facto le « droit » fondamental des hommes aux corps prostitués. Il restera à  ces derniers, comme nous l’avons vu lors de l’enquête menée en France par le Mouvement du Nid[[L’homme en question, le processus du devenir client de la prostitution, sous la direction de Saïd Bouamama, Mouvement du Nid/Ifar, 2004. À télécharger sur le site du Mouvement du Nid.]], à  se draper dans l’auto-justification en se présentant comme soucieux de respecter « l’éthique »!

On souhaite par ailleurs bon courage aux policiers chargés de pénaliser les « clients » en question. Parfaitement inapplicable, ce type de loi a déjà  été mis en œuvre en Finlande en 2006. En 2013, une étude du ministère de la Justice concluait à  son caractère incompréhensible et à  son inefficacité pour protéger les victimes du proxénétisme et de la traite.

Les grandes associations féministes ont regretté que la loi ne soit pas allée jusqu’au bout en pénalisant les prostitueurs dans leur ensemble. Le Conseil national des femmes du Luxembourg estime à  cet égard que toute prostituée est vulnérable. Quant au Planning Familial, il déplore une réflexion qui s’est arrêtée à  mi chemin.

Photo par Ex13 — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7355876

Cet article est paru dans le numéro 189 de notre revue,Prostitution et Société. Pour nous soutenir et nous permettre de continuer à  paraître, abonnez-vous!

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.