Pays-Bas : la « tolérance » aurait-elle du plomb dans l’aile ?

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Tournant dans la politique hollandaise ? La municipalité d’Amsterdam a décidé en juin 2006 de faire fermer 37 entreprises de prostitution sur les 169 établissements que compte le quartier.

Cette décision est fondée sur les antécédents criminels des personnes propriétaires : liens avec le crime organisé, drogue, blanchiment d’argent, prostitution forcée, traite des femmes…

En 2000, les Pays-Bas ont voté avec fracas la dépénalisation de la prostitution (et donc du proxénétisme), entourant cette décision de l’argument de la fameuse tolérance hollandaise, souvent considérée, sans grand recul ni analyse, comme un modèle pour l’Europe.

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Fiers de faire des maisons closes des entreprises comme les autres et du travail du sexe un métier ordinaire, les Pays-Bas ont effectué un lobbying considérable dans les instances internationales afin de promouvoir l’industrie du sexe, propre, chacun le sait, à renflouer les caisses.

Il semblerait aujourd’hui que ce « modèle » soit en passe de perdre de ses attrayantes couleurs.

Selon le quotidien Libération[[Amsterdam veut nettoyer son quartier rouge, Libération, 26 aoùt 2006.]], comme sur le dossier de la drogue, les Pays-Bas sont de plus en plus enclins à remettre leur tolérance en question.

D’après une conseillère municipale travailliste, Karina Schaapman, citée par le journal, au lieu d’assainir la filière, la politique de licences accordées depuis octobre 2000 aux maisons closes a abouti à une situation incontrôlable.

Selon la police, le quart des prostituées sont des Russes, des Roumaines ou des Bulgares issues des trafics. Même le « syndicat » de prostituées Rode Draad, favorable à la légalisation, se met à dénoncer l’existence de nombreux abus. À l’en croire, des centaines de femmes d’Amérique Latine et d’Europe de l’Est se trouvent dans des maisons closes clandestines et les municipalités ferment les yeux puisque rien ne déborde dans la rue.

Ce mouvement de remise en question semble faire tache d’huile. En février 2006, Lodewijk Asscher, jeune chef du Parti travailliste au Conseil municipal (il n’a que 31 ans), avait déjà fait du bruit à Amsterdam en évoquant la fermeture du quartier rouge.

Au milieu des huées des néerlandais attachés à un quartier qui a l’avantage d’attirer des hordes de touristes émoustillés du monde entier, il avait déclaré : mieux vaut une attraction touristique en moins qu’une complicité avec les mauvais traitements infligés aux femmes.

Dans un article du journal Le Monde[[Fin de débauche à Amsterdam ?, Le Monde, 15 février 2006.]], une chercheuse travaillant sur la traite des êtres humains dénonçait à cette occasion la misère et la violence qui règnent dans cette zone contrôlée par les mafias. Jusqu’où ira cette remise en cause ? La question est posée.

Pour le moment, une campagne a été lancée prétendant faire des clients des auxiliaires dans la lutte contre la traite.

Un numéro vert est à leur disposition afin de les inciter à témoigner si la travailleuse sexuelle qu’ils rémunèrent présente des bleus, semble avoir peur et n’a pas de plaisir au travail (sic). Une « mesure » qui prêterait à rire si elle n’était si pathétique.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.