Le Conseil de l’Immigration d’Irlande (ICI), une association de promotion des droits des immigréEs et de lutte contre le racisme, s’intéresse de près au système prostitueur, grand consommateur de trafic humain. À ce titre, il a initié fin 2012 une enquête portant sur les « clients » dont une partie des résultats est déjà connue. Nusha Yonkova, coordinatrice du Pôle anti-trafic de l’ICI, a bien voulu en souligner les points saillants pour Prostitution et Société.
– Qu’avez-vous appris de cette enquête, principalement ?
Le conseil de l’immigration d’Irlande (ICI) a mené une enquête à la fin de 2012. Nous en avons appris beaucoup sur les profils des hommes « clients » en Irlande et sur leurs expériences. Les résultats ont révélé que le client irlandais moyen était d’âge mùr, qu’il gagnait plus de 20 000 euros par an (70% des « clients » interrogés) ; avec plus d’un cinquième des personnes interrogées gagnant 40 000 euros par an. Il a fait des études supérieures (41%) et il est impliqué dans une relation suivie (plus de 50% ont déclaré que c’était le cas).
En général, les clients ont contacté les femmes prostituées par internet, tandis que la transaction a, en général, eu lieu dans un appartement privé. Parmi les clients les plus jeunes (moins de 25 ans) l’achat d’un acte sexuel a eu lieu le plus fréquemment dans les bordels ou les clubs de strip-tease.
L’achat d’un acte sexuel n’était pas restreint à l’Irlande. La majorité de ceux qui ont répondu à l’enquête ont déclaré avoir acheté un acte sexuel à l’étranger. Les destinations les plus susceptibles d’être choisies sont celles où les réglementations sont tolérantes face à la prostitution et où l’industrie sexuelle est la plus visible. Ces destinations sont les Pays-Bas, l’Allemagne, la République tchèque et la Thaïlande.
Les résultats ont aussi révélé qu’un « client » sur 4 a rencontré des personnes prostituées dont il pensait qu’elles étaient en situation d’exploitation.
– D’après votre enquête, qu’est-ce qui empêcherait les « clients » d’avoir recours à la prostitution ?
Les mesures dissuasives que les clients identifient comme ayant le plus grand impact sur eux sont : contracter une maladie, encourir une condamnation ou une peine de prison et être nommé dans les média locaux.
– Dans votre pays, qu’en est-il des efforts pour obtenir une loi contre les « clients »? Qui sont les gens impliqués dans ces démarches ?
En Irlande, il y a une campagne nationale qui demande l’introduction de peines pour les clients couplées avec des mesures de décriminalisation de la prostitution et d’aide aux personnes prostituées, en relation avec leur situation de vulnérabilité.
Cette campagne est conduite par une large coalition nationale de partenaires qui comprend des syndicats irlandais, des professionnels de la santé, des centres juridiques, des associations d’agriculteurs, des services d’aide aux femmes, des syndicats étudiants et plusieurs partis politiques ainsi que des célébrités…
La campagne a pour but de déplacer la responsabilité sur les clients qui, actuellement, agissent dans la plus complète impunité. Nous avons des lois contre les proxénètes et les trafiquants ; les personnes prostituées sont quant à elles souvent traduites en justice et l’identité révélée dans les média.
Nous voulons déplacer la réflexion et concentrer l’attention sur les clients qui agissent de leur plein gré et en l’absence de toute pression ou coercition quand ils achètent des individus dans le but d’avoir un rapport sexuel.
En ligne et en anglais, vous pouvez consulter sur le site de l’ICI la communication des résultats partiels de l’enquête :