Un tissu de mensonges

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La prostitution constitue et a toujours constitué un thème privilégié de la littérature.
Aussi, nous a-t-il paru important de mettre en lumière la façon dont elle est dépeinte par les romanciers.

Dans cette nouvelle rubrique, les citations littéraires sont mises en parallèle avec les témoignages actuels des personnes prostituées, comme des clients.

Une mise en perspective riche d’enseignements…

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Et la plupart la croyaient.


Purge, Sofi Oksanen, Le livre de poche, 2012, p90.

Personne ne demandait d’où elle venait, ou ce qu’elle ferait si elle n’était pas ici. Parfois quelqu’un demandait ce qu’aimait Natacha, ce qui faisait mouiller Natacha, comment Natacha voulait se faire baiser. Parfois quelqu’un demandait ce qui la faisait jouir.

Et c’était encore pire, parce qu’elle n’avait pas de réponse à ça.
Si on interrogeait Natacha, elle avait des réponses toutes prêtes. Si on l’interrogeait elle-même, il fallait un petit moment pour qu’elle ait le temps de se demander ce qu’elle répondrait si on posait une question sur Natacha. Et ce petit moment révélait au client qu’elle mentait.

Alors commençaient les exigences. Mais cela arrivait rarement, presque jamais. En général, elle devait juste dire qu’on ne l’avait jamais aussi bien baisée. C’était important pour le client. Et la plupart le croyaient.

Écrivaine finlandaise née en 1977, Sofi Oksanen a reçu de nombreux prix en France et en Finlande pour son troisième ouvrage, Purge, paru en 2008. A travers le portrait de ses deux personnages, une vieille femme et une jeune fille estonienne, l’auteure fait le récit de violences subies, comme la prostitution, et qui ont fait de leur corps un objet de honte à vie.

Ce qu’ils veulent entendre

Témoignage de Mylène, Prostitution et Société n°100, p4 et 5.

Ce qu’ils veulent entendre (ndlr, les « clients »), c’est qu’on raffole du sexe, qu’on a besoin de jouir dix fois par jour. C’est leur fantasme.

Témoignage de Sandra, Prostitution et Société n°87, p24.

Ils sont souvent prêts à payer deux fois le prix, pour avoir le temps de raconter leur vie (…) et puis, il y en a qui paient rien que pour que je fasse une déclaration d’amour, que je leur dise que je les adore, qu’ils sont les seuls hommes de ma vie, qu’ils sont les plus beaux, les plus intelligents, les plus merveilleux…