L’humanité « Au coeur du Bois » 

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9Dans « Au coeur du Bois » de Boulogne, Claus Drexel filme les personnes en situation de prostitution.  Il nous fait entendre des témoignages de vie, saisissants de vérité, essentiels et émouvants. Dommage que l’esthétisation à outrance du Bois de Boulogne agisse en trompe-l’oeil, relayé à outrance par les médias.

Elles et ils s’appellent Geneviève, Samantha, Paola, Isidoro, Yoanni… Des femmes trans pour la plupart, Françaises, Latinas, Africaines…. Des jeunes et des moins jeunes témoignent de leur quotidien au Bois de Boulogne. Filmé·es au volant de leur camion, assis·es sur un siège de fortune au milieu des arbres ou près de lambeaux de tentes… leur parole est riche, passionnante… mais est-elle vraiment écoutée ? 

Elles parlent du Bois

Au Bois, on ne peut pas s’y « poser comme une fleur », dit l’une d’elles. En effet, les nouvelles doivent être confirmées par une ancienne qui choisit leur emplacement. « La solidarité n’existe qu’entre les vieilles, les traditionnelles », déplore une autre.

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Geneviève, qui fait partie des anciennes, vante les mérites du véhicule  « pour la sécurité. Tu n’as plus à racoler. Tu acquiers une clientèle sûre». En même temps, dans les années 80, il valait mieux être à pied pour pouvoir échapper en courant à la police qui distribuait des PV… alors qu’aujourd’hui elles ne sont plus pénalisées, leurs « clients » oui.

Au coeur du Bois, Elles parlent de la loi de 2016

Au tout début du film une femme plante le décor. Elle n’a pas peur, le soir, dans le Bois. C’est un peu comme « sa maison ». Pas de trace de cette « augmentation des violences », dont on nous rebat les oreilles depuis la loi du 13 avril 2016. A cette loi, elles ne reprocheront finalement qu’une chose, le déficit de « clients ». Ce qui, après tout, est bien l’objectif. Ce qui manque, ce sont les alternatives, qu’elles réclament, d’ailleurs.

Elles parlent de leur transition

Certaines racontent avoir choisi les injections de silicone pour se mouler dans un corps parfait.  « Quand je prends des hormones, je suis sophistiquée… ça flatte l’égo », souligne l’une d’entre elles.  A l’inverse, Isidro refuse la transition : « Je suis un garçon, je reste un garçon ».  Une troisième regrette d’avoir dû passer par une transition physique pour affirmer son identité de transgenre. 

Elles parlent de la prostitution

Samantha assume la prostitution qui lui apporte une forme de liberté et refuse d’être considérée comme une victime.  Pour Paola, ce ne fut clairement pas un choix. Elle menait cette activité sur Internet jusqu’au jour où deux hommes l’ont ligotée et dépouillée de tout ce qu’elle possédait dans son appartement.  « Ma seule alternative, c’était le  Bois », raconte-t-elle. A l’écart sur sa chaise, Paola exprime sa tristesse, son poignant sentiment de solitude et ses fêtes de Noël, sans personne auprès d’elle. Mais il faut gagner sa vie…

Elles parlent de la dissociation

Pour Luciana, Argentine, « la première passe fut un choc », mais « j’aime palper l’argent. Mon esprit quitte mon corps, je ne prends pas de plaisir ». Geneviève surenchérit : « Si on ne fait pas le vide, on est fichu. Mon cerveau est déconnecté ». Se dissocier pour ne pas souffrir…

Tout au long du film, on ressent constamment un fossé entre le récit de ces femmes, sincères, fortes, se contredisant parfois, et le point de vue du réalisateur, très anti-abolitionniste, jusque dans les choix de mise en scène. 

Car mis en scène, le Bois et les témoignages le sont énormément. Le film est rythmé par le changement des saisons autour du lac, qui devient presque un « décor enchanté », voire accueillant pour certaines personnes qui proclament “aimer leur métier”. Mais quand le film aborde la loi de 2016, la tempête de neige s’abat alors sur le lac. C’est l’hiver…Sans blague…

A lire également : https://mouvementdunid.org/prostitution-societe/tribunes/pas-oublier-personnes-prostituees/

 Christine Laouénan et Sandrine Goldschmidt