Dans le contrat sexuel, le chapitre 7 est consacré à la prostitution. Dans cet ouvrage majeur, Carole Pateman, politologue et féministe anglaise et professeure émerite à l’université de Californie nous livre des clés indispensables pour répondre à la question : qu’est-ce qui ne va pas dans la prostitution ?
Sa réponse est limpide : « Lorsque le corps des femmes est une marchandise mise en vente sur le marché capitaliste, les termes du contrat originel ne peuvent être oubliés : la loi du droit sexuel masculin est publiquement affirmée, et les hommes sont publiquement reconnus comme les maîtres sexuels des femmes . Voilà ce qui ne va pas dans la prostitution ».
Elle précise ensuite, que ce n’est pas quelque chose, un produit, ou un service, qu’aurait créé la femme prostituée qui est achetée par le consommateur prostitueur, mais bien la femme, ou quelque chose de la femme elle-même, qui lui assure sa position de domination sexuelle.
« A la différence des employeurs, les hommes qui concluent un contrat de prostitution ne sont intéressés que par une chose : la prostituée et son corps. Il existe un marché pour les substituts de corps des femmes, pour les « poupées gonflables », mais, contrairement aux machines qui remplacent les travailleurs, on vante dans ces poupées le fait qu’elles sont « plus vraies que nature ».
Ces poupées sont un substitut littéral pour les femmes, et non un substitut fonctionnel comme la machine qui remplit le rôle du travailleur à sa place. Même un substitut de femme en plastique peut donner à un homme le sentiment d’être un maître patriarcal ».
Le contrat sexuel, un esclavage
En résumé, elle fait le parallèle entre esclavage et prostitution, en expliquant comment seul le contrat de prostitution donne un droit d’accès direct au corps des femmes
« Dans la prostitution, c’est le corps d’une femme, et l’accès sexuel à ce corps, qui fait l’objet du contrat. Que des corps soient vendus sur le marché en tant que corps évoque très fortement l’esclavage. »
Il n’est donc pas entièrement inapproprié de symboliser l’esclavage salarié par la figure de la prostituée plutôt que par celle du travailleur masculin. Mais la prostitution diffère de l’esclavage salarié. Aucune forme de force de travail ne peut être séparée du corps, mais ce n’est qu’avec le contrat de prostitution que l’acheteur obtient un droit unilatéral d’usage sexuel direct du corps d’une femme ».
Elle précise encore, pour contrer des arguments bien connu du côté des syndicats pro « travail du sexe » : tout travail serait un esclavage et contient des risques.
« Bien sur, les prostituées ne sont pas les seules personnes à être exposées à des risques physiques dans leur travail. Un nombre considérable de travailleurs sont tués ou blessés sur leur lieu de travail du fait de l’absence de mesures de précaution ou de simples accidents. Ces dommages ne se produisent cependant pas parce que le travailleur est une femme ».
Le 12 décembre à 19h sur zoom, Catherine Le Magueresse parlera du « contrat sexuel » lors de notre lundi de Prostitution et Société (inscription ici)
Enfin, elle balaie l’accusation qui aujourd’hui serait celle de « putophobie » ou, en termes moins agressifs, « pourquoi êtes-vous contre les TDS », alors que justement, il ne s’agit en rien de juger les personnes concernées, bien au contraire…
« Dire que quelque chose ne va pas dans la prostitution n’implique pas un quelconque jugement dévalorisant sur les femmes qui se livrent à ce ‘travail’. Lorsque les socialistes critiquent le capitalisme et le contrat de travail, ce n’est pas parce qu’ils méprisent les travailleurs, mais parce qu’ils en sont les défenseurs ».
Dernière édition, le contrat sexuel, Editions La Découverte, septembre 2022
Ces citations sont reprises dans le cadre de notre dossier « Ni un travail ni du sexe », à paraître en ligne le 10 décembre