Sex Doll

1902

Sylvie Verheyde filme le retour à  la vie de son héroïne, Virginie / Malika (magnifique Hafsia Herzi), poupée mécaniquement utilisée pour l’acte sexuel par ses « clients ». La cinéaste ne tombe jamais dans la tentation d’érotiser la violence, omniprésente.

Virginie est la « sex doll« , poupée prostituée de luxe pour riches « clients » londoniens, du film de Sylvie Verheyde. Apparemment bien dans sa peau, libre et indépendante, elle dort bien, mange bien comme lui demande sa proxénète, patronne d’une agence d’escort, dont elle est le meilleur élément. Une fausse bonne amie qui l’envoie vers des situations de plus en plus violentes et la pousse à  devenir elle-même, un jour, proxénète. Survient alors l’obstacle : un jeune homme mystérieux dont la tâche semble être de ramener des prostituées mineures dans leur famille.

Au delà  d’une histoire sentimentale banale, le film traite de la métamorphose de lasex doll, poupée au visage figé que son héroïne est devenue à  cause de la prostitution, en être humain. À cet égard, la façon dont la réalisatrice a filmé les scènes de violence prostitutionnelle est sans appel. Elle est fixée sur le visage trop lisse, presque inerte, le regard vide, sans aucune expression de Virginie (magnifique Hafsia Herzi) qui croit subir le passage des hommes sur son corps sans dommage. Aucune tentation d’érotiser la violence, omniprésente y compris dans les scènes de prostitution « ordinaire » quand le « client » n’est pas particulièrement brutal.

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Au fil du film, le visage de Virginie reprend vie et expression. Elle qui ne sait pas s’amuser, comme elle le dit à  l’homme qu’elle rencontre et qui va la mener sur le chemin de sa réhumanisation, elle qui enchaîne passes et moments vides dans son intérieur luxueux mais froid perd peu à  peu son visage de poupée et redevient, au fil du film, la Malika (son vrai prénom) qu’elle avait dù enfouir derrière une apparence de perfection hypersexualisée.

Bien sùr, on pourra regretter que cette transformation se fasse par le biais d’un « sauveur », un jeune homme qui se définit comme une sorte de prêtre, membre d’une association de sauvetage de prostituées mineures. Une association dont le mode opératoire est bien éloigné de celui des associations de terrain qui aident les personnes prostituées au quotidien !

Mais l’essentiel reste : la violence extrême de l’activité d’escort girl qui n’a rien à  envier au trottoir, l’absence totale de glamour du masque de « sex doll« , dans laquelle l’hypersexualisation des femmes par les images essaie de nous enfermer.

Cet article est paru dans le numéro 190 de notre revue,Prostitution et Société. Pour nous soutenir et nous permettre de continuer à  paraître, abonnez-vous!

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Sandrine Goldschmidt
Sandrine Goldschmidt est chargée de communication au Mouvement du Nid et militante féministe. Journaliste pendant 25 ans, elle a tenu un blog consacré aux questions féministes (A dire d’elles - sandrine70.wordpress.com) et organise depuis quinze ans le festival féministe de documentaires “Femmes en résistance”. Aujourd’hui elle écrit régulièrement dans Prostitution et Société.