Splendeurs et misères : images de la prostitution 1850-1910

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Après « le Nu masculin » et « Sade ou attaquer le soleil », Orsay remet ça… Depuis quelques saisons, le musée de l’impressionnisme jette sa gourme et s’empare de sujets qui risquent de désorienter son public « familial ». Pour l’heure, empruntant à Balzac son Splendeurs et misères des courtisanes, il organise (en partenariat avec le Van Gogh Museum d’Amsterdam) la première exposition qui aborde frontalement le thème de la prostitution.

Mais, pour en dire quoi et comment ? On peut assez aisément répondre au « comment » : la mise en scène nous fait rentrer progressivement dans le vif du sujet.. Nous sommes d’abord dans la rue, espace ambigu par excellence, où « femmes honnêtes » et prostituées se distinguent avec difficulté, en tout cas à l’œil contemporain. Puis, nous pénétrons dans les lieux de plaisir : cafés, brasseries, Opéra, où la prostitution s’affiche ou se laisse deviner, selon le lieu et le moment de la journée. Enfin, les maisons closes s’ouvrent à nous, dans leurs espaces confinés, que les moquettes vieux rose, lie de vin et les papiers peints pourpres de l’exposition évoquent de façon appuyée.

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Quant au discours tenu sur la prostitution, il semble plutôt brouillé. On ne peut certes pas reprocher à un musée et à des spécialistes d’histoire de l’art de privilégier l’approche esthétique et, de ce point de vue, l’amateur d’art est comblé. Toutes les icones de la modernité sont là , et en abondance : les esquisses de Constantin Guys, aimé de Baudelaire, « l’Olympia » de Manet, les Degas voyeurs des coulisses de l’Opéra, les Toulouse-Lautrec, jusqu’à un Picasso émouvant, « Femme mélancolique ». La prostituée, plus encore que la prostitution, devient « le » sujet  de la modernité : celui qui combine audace provocatrice propre à « scandaliser le bourgeois » et audaces formelles, au travers de l’excès coloré des maquillages, des vêtements.

Mais, justement, où est la prostitution, où est le client surtout, dans cet étalage de chairs tristes ou glorieuses ? La plupart du temps hors-champ, ou rarement, de dos, silhouetté dans son habit de noceur, absent des représentations comme il est absent des discours moraux ou sociaux mis en regard dans l’exposition. Car le musée tente d’articuler une démarche d’histoire des arts avec une démarche sociologique. Il s’agit de contextualiser et d’aborder les discours réglementaristes et abolitionnistes qui apparaissent dès le Second Empire. Mais cet aspect est traité très rapidement, au profit d’une approche anecdotique plus facile : « fauteuil d’amour » d’Edouard VII , lit de la Païva , « pique-couille » et fouet ayant appartenu à Valtesse de la Bigne… Le Musée de l’érotisme de Pigalle n’est pas loin !

À la différence des peintres de la modernité, Orsay a manqué d’audace. Voulant plaire au public le plus large, l’exposition laisse un goùt d’inachevé, par manque de perspective claire sur le sujet plus que par manque de chefs d’oeuvre.