Water

1263

Nous sommes en 1938, Gandhi arrive au pouvoir et l’Inde vit les derniers temps du colonialisme.

La petite Chuyia n’a que sept ans. Et c’est pourtant pour lui annoncer qu’elle est veuve que son père, un matin, la réveille. La fillette ouvre de grands yeux étonnés : elle ne se souvient même pas avoir été mariée, à un vieillard qui plus est.

Qu’importe. Parce que des textes religieux hindous dictent aux veuves leurs conditions de vie depuis des millénaires, Chuyia devient subitement impure, intouchable. Selon la tradition, son père va lui raser la tête, puis la conduire dans une maison pour veuves où elle devra passer le restant de ses jours, à mener une vie de misère et de recluse avec les autres veuves, réduites à la mendicité et condamnées à faire pénitence.

Recevez nos derniers articles par e-mail !
Lettres d'information
Recevez nos derniers articles par e-mail !
S'abonner

Mais l’arrivée de Chuyia, son innocence et son désir de vivre, vont quelque peu bousculer les habitudes et réveiller ce qu’il reste de vie au sein de ce mouroir pour femmes.

Shakuntala, figure maternelle, qui défend la petite Chuyia contre la sévérité de la « tenancière », va peu à peu remettre en cause sa fidélité aveugle à une religion qui impose une vie d’exclusion à ses veuves.

Et la jeune et belle Kalyani, seule à ne pas avoir le crâne rasé, car on l’envoie se prostituer à l’extérieur afin de subvenir aux besoins de la communauté – en réalité, pour assurer un certain confort à la responsable de la maison – va oser une histoire d’amour avec un jeune étudiant brahmane, pétri des idées progressistes de Gandhi.

Mais elle apprendra douloureusement que l’on ne brave pas si aisément la tradition.

Tout comme l’eau qui lui donne son titre, Water est un film fluide et calme en surface, mais tumultueux et plein de remous en profondeur. Il nous plonge dans l’horreur des conditions de vie inhumaines et dégradantes des veuves, et s’attaque également à l’exploitation sexuelle et aux mariages précoces.

Témoin cruel mais indispensable de l’hypocrisie du fondamentalisme religieux, d’une politique patriarcale qui s’accommode des pires traditions lorsqu’il s’agit de pouvoir et d’argent, ce n’est pas le moindre mérite de ce film de parvenir néanmoins à nous subjuguer par sa beauté et son lyrisme.

On sait, hélas, que la situation des veuves en Inde aujourd’hui ne s’est guère améliorée. Pour preuve les difficultés auxquelles s’est heurtée la réalisatrice, Deepa Mehta, attaquée par les fondamentalistes hindous en 2000, privée d’autorisation de tournage, et qui ne parvint à réaliser son film qu’en 2003, au Sri Lanka.