Prostitution, une guerre contre les femmes (2)

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L’idée reste communément ancrée que la prostitution constituerait l’une des «solutions» aux problèmes des femmes. Or, pour Claudine Legardinier, qui recueille depuis trente ans, pour le Mouvement du Nid, les témoignages des personnes prostituées, le temps est venu au contraire de mesurer le prix infini payé par les femmes à ce fossile vivant.

Elle le dit d’emblée : c’est du tort que la prostitution fait aux femmes. Et à toutes les femmes. Pour les premières concernées, qui sont d’abord des accidentées de la vie, elle tient plutôt de la double peine et n’est que le miroir, partout dans le monde, de leur condition fragilisée. Rares sont celles qui tirent avantage de cette voie de garage, de cet argent mirage. Au contraire, c’est une impasse qui peut leur coùter cher : exclusion, privation de parole, déni de droits, rackets, violences et humiliations quand ce n’est pas meurtres.

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Plus largement, elle est pour toutes une entrave profonde à la longue marche vers l’autonomie et l’égalité. En agissant comme l’une des armes majeures de leur dévalorisation, non seulement dans le réel mais aussi au plan symbolique, le système prostitueur est un conservatoire vivace des pires stéréotypes ; et en contribuant à exclure les femmes du monde des hommes (dans les sphères de l’armée, du sport ou des affaires), il les maintient sous un insidieux plafond de verre.

En revanche, pour l’auteure, ceux qui ont tout à gagner à la persistance de cette vieillerie qu’est la prostitution sont plus nombreux qu’on ne croit. Les proxénètes bien sùr mais aussi les « clients » qui trouvent là l’outil idéal pour l’exercice du pouvoir et la conservation du vieil entre-soi masculin ; les Etats qui sont de plus en plus pressés de lorgner sur ce commerce propre à redorer les chiffres du PIB ; mais aussi de multiples secteurs (tourisme, immobilier, médias…) prêts à surfer sur le commerce sexuel pour faire tourner la machine capitaliste et l’ordre marchand.

Sans doute les femmes auraient-elles depuis longtemps identifié la gigantesque tromperie qu’est la « solution » prostitutionnelle si, d’après l’auteure, elle n’avait pas bénéficié au long des siècles du secours de propagandistes zélés et particulièrement de nombreux médias et intellectuels. Souvent peu portés au combat quand il s’agit de défendre la juste place des femmes dans la société, à égalité, elle relève toute l’énergie que ces souteneurs mettent à louer les charmes du bordel.

Les politiques ne sont pas en reste. Depuis les années 1980, des courants ultra-libéraux sont parvenus à maquiller l’asservissement prostitutionnel en emblème de la liberté. Un triomphe qui leur a permis d’imposer ce « métier » chez certains de nos voisins européens en décernant aux tenanciers proxénètes un brevet d’hommes d’affaires.

Dans ce contexte de normalisation, les résultats sont là : le recours à la prostitution connaît une croissance exponentielle sur le terreau porteur de la crise et de la précarité. Une fausse route dont, pour l’auteure, il est temps de s’alarmer.

Pour elle, preuve est faite, après des siècles d’échecs pour organiser et contrôler la prostitution, qu’il est temps de déboulonner cette forteresse réputée imprenable en changeant de curseur. En reprenant les termes du débat et les arguments qui agitent notre pays depuis qu’a été votée par l’Assemblée, en 2013, la proposition de loi abolitionniste, elle salue nos récentes avancées et se félicite qu’une révolution culturelle soit en marche : pour reprendre ses mots, une utopie amoureuse et politique porteuse de transformation sociale, un projet d’avenir qui affirme le rejet du tout-marchandise et la volonté d’un nouveau vivre-ensemble. Un programme auquel nous souscrivons volontiers.