Elles ont fait reculer l’industrie du sexe. Le modèle nordique

1781

Voyage au coeur du combat de militantEs des pays nordiques en faveur de la pénalisation
des « clients » prostitueurs, ce livre de témoignages tombe à point nommé alors que nos
parlementaires sont appelés à voter en France une loi fondée sur ce modèle.

Publié alors que plusieurs
pays européens reconsidèrent leurs
législations concernant la prostitution,
l’ouvrage analyse les obstacles
et les forces à l’oeuvre dans le débat,
en abordant les exemples de la Suède,
de la Norvège et de l’Islande, où on
considère que la prostitution est
une violence faite aux femmes, et un
problème social.

Annonce

Cette conception correspond aux
réalités dont font part les acteurs
de terrain. Une travailleuse sociale
témoigne ainsi de ce qu’elle a vu dans
les camps-bordels en Finlande : des
femmes, pratiquement nues, parquées
derrière une clôture dans le froid
extrême
. Malgré sa longue expérience,
elle avoue n’avoir jamais vu
autant de violence que dans le milieu
prostitutionnel : cynisme, misère, déni
font partie du quotidien. Une ancienne
prostituée le résume en disant que, lors
de sa première nuit dans ce milieu, on
lui a volé son humanité.

En Suède, selon les auteures – une
universitaire norvégienne et une
travailleuse sociale suédoise affectée à
l’Unité prostitution de Stockholm – la
loi a eu de nombreux effets positifs : la
prostitution de rue a baissé, la police
a davantage de moyens et des proxénètes
renoncent désormais à s’installer
sur le territoire. Mais avant d’en arriver
à l’adoption de lois abolitionnistes, la
lutte a été rude. Les militantEs ont fait
preuve de courage et ont dù essuyer
moqueries et insultes.

Une course d’obstacles

L’exemple de la Norvège montre
une opposition de tous les milieux –
média, intellectuelLEs, éluEs, police
– et une véritable confiscation du débat
par les groupes de pression agissant
pour dépénaliser le proxénétisme. Il est
presque impossible d’intervenir si l’on
n’est pas anti-abolitionniste.
Les ressources financières prévues
pour aider les femmes à quitter la prostitution
ont été captées par Centre Pro,
un centre d’expertise qui, du fait
de sa position pro-prostitution, en a
amoindri la portée. La désinformation
a aussi joué : Centre pro a diffusé une
brochure hostile à la loi, présentant des
témoignages fictifs et largement reprise
dans les médias. Même le milieu des
droits humains a parfois pu s’opposer
au combat abolitionniste. Amnesty
international-Norvège a récompensé
une fervente militante pro-prostitution.
Enfin, les changements de majorité
politique ou les interdictions d’enquêter
ont été un obstacle supplémentaire.

Une panoplie d’actions et d’outils

En Suède, un accord transpartisan a
abouti au vote de la loi. En Norvège, la
lutte a eu pour colonne vertébrale une
coalition d’organisations féministes
née en réaction à un projet de libéralisation
des lois sur la pornographie. La
mobilisation s’est nourrie du spectacle
désolant de trafics transfrontaliers avec
la Russie, une importante prostitution
se développant sur certaines zones tristement
célèbres. En Islande, l’ouverture
de clubs de danse nue abritant de la
prostitution a servi de déclic aux militantes
féministes. Les travailleuses d’un
centre d’aide aux victimes de violence
sexuelle ont été les premières à informer
l’opinion de la réalité dans ces clubs.

Plusieurs stratégies se dégagent de
ces expériences. La lutte abolitionniste
doit être rigoureusement organisée,
collective et menée par les deux sexes.
Un message uniforme, porté par différents
partis, est utile. Enfin, le sujet
est à inscrire dans un large débat de
société et tous les outils sont bons
pour y contribuer : manifestations,
conférences, reportages, campagnes
web… Et s’il est fondamental d’obtenir
des mesures sociales en faveur des
personnes prostituées, pour ce qui est
de changer les comportements sociaux,
il faut en passer par l’adoption d’une
loi, qui a davantage d’impact.