Bien à l’abri derrière le prétexte « culturel », les médias se sont emparés avec gourmandise de la parution d’un ouvrage d’architecture pour tresser les louanges de l’âge d’or des bordels
. Dans cette loghorrée nostalgique, les questions de la violence sexiste et de l’oppression masculine sont complètement évacuées.
Rarement un livre d’architecture aura autant fait parler les journalistes de la presse grand public. Hebdomadaires, mensuels, quotidiens, presse féminine… chacun-e (la majorité des articles cités sont écrits par des femmes [[Le fait que des femmes soient elles-mêmes les porte-paroles d’un discours patriarcal, montre à quel point le système de domination est abouti. Les personnes dominées deviennent alors les avocates dudit système qui s’auto-justifie par l’adhésion des opprimée.]]) s’est fendu de son article sur le livre Maisons closes parisiennes, architectures immorales des années 30 de Paul Teyssier, architecte.
Photos d’époque, plans inédits, rapports de police à l’appui, le livre veut faire revivre l’univers de ces maisons du plaisir, en fouillant dans ses entrailles
, dixit le résumé de l’éditeur. Un autre livre sur le même sujet [[Maisons de rendez-vous, de Nicolas Charbonneu et Laurent Guimier.]] est lui aussi paru en septembre 2010, sans parler du succès de la série Maisons closes de Canal+.
Tous les articles lus évacuent d’emblée la question de la prostitution, de la marchandisation du corps des femmes et de la domination masculine.
Car il s’agit ici d’ar-chi-tec-ture !
Alibi culturel parfait pour se laisser aller à quelques notes de nostalgie déculpabilisante.
Ça et là les articles vantent l’esthétisme
de ces endroits, lieu de loisir et de plaisir
[[Selon Paul Teyssier.]], où l’on savait vivre
[[Beaux arts magazine, janvier 2010.]].
L’euphémisme semble être l’exercice stylistique préféré des « journalistes » qui le pratiquent sans modération.
On parle alors d’ouvrières spécialisées
, de 20 000 femmes publiques
[[Pauline Delassus, Paris Match, « Dans l’intimité des maisons closes ».]], de consommation finale et nuptiale
, de chic érotique
[[Beaux arts magazine, janvier 2010.]], d’âge d’or
[[Claire Bommelaer, Le Figaro, « Les maisons closes à livres ouverts ».]]…
La liste est infinie, et on atteint le summum de l’indicible lorsqu’un article vante avec légèreté l’assiduité des officiers de la Wehrmacht pour les filles de joie
[[Beaux arts magazine, janvier 2010.
(NDE) Sur le système prostitutionnel pendant l’Occupation : Le corps des femmes, butin de guerre !.
Charlotte Pons, journaliste au Point conclu son article en déclarant : Bien plus que de sexe, il est en fait question de patrimoine
[[Charlotte Pons, Le Point, « Maisons closes parisiennes, architectures immorales des années 30 ».]].
La marchandisation des femmes ferait donc partie de l’héritage culturel français.
Ces articles sont à l’image d’un constat navrant de l’opinion médiatique sur la prostitution. Systématiquement, le réel sujet des violences faites aux femmes et de l’oppression masculine est masqué.
Et doucement s’installe dans le débat public la question de la ré-ouverture des lieux de prostitution et la mise en place d’un statut de travailleur sexuel
.
C’est aussi dans ce contexte que la question de la création d’un service d’accompagnement sexuel des personnes handicapées
dispensé par les travailleurs-ses social-e-s a été posée lors du colloque Dépendance physique : intimité et sexualité au Parlement européen.
Les violences faites aux femmes ne font pas partie d’un bien ou d’un quelconque patrimoine culturel. Et s’il existe une seule tradition française
encore tenace à combattre, c’est bien celle du patriarcat.