« Loverboys » : un proxénétisme doucereux et sans pitié

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On leur donne à tort un joli nom, loverboys (littéralement, garçons d’amour). Ces prédateurs ont compris comment user de la corde affective pour s’assurer la soumission de jeunes filles vulnérables et parvenir à les prostituer. Un rapport publié en Belgique en démonte avec précision les méthodes. Une lecture utile dans la mesure où la France est loin d’être à l’abri du phénomène…

Parmi les questions abordées dans le rapport 2015 «Traite et trafic des êtres humains, resserrer les maillons» du Centre fédéral Migration Myria, en Belgique, celle des victimes des loverboys, particulièrement actifs dans le secteur de la prostitution, occupe une place sans précédent.

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Selon le rapport, deux sortes de victimes sont visées : celles qui sont recrutées dans leur pays d’origine (surtout Roumanie, Bulgarie, Albanie, Nigéria) et celles qui le sont en Belgique même. Un point commun, ce sont toujours des jeunes filles vulnérables.

Les loverboys usent notamment de réseaux sociaux comme Facebook pour entrer en contact avec leurs proies potentielles ; ils se servent de séances de tchat pour leur manifester un intérêt tel qu’elles tombent amoureuses. Par la suite, il leur est facile de les forcer à la prostitution. Ils prélèvent alors la totalité de leurs revenus, leurs papiers d’identité et leur carte bancaire.

L’exemple d’un important dossier hongrois montre que les recruteurs s’attaquent à des jeunes filles placées en institution et le plus souvent d’origine Rom. Pour les ferrer, ils feignent de leur accorder amour et sécurité. Une fois la victime liée par les sentiments qu’elle porte à son loverboy, il l’emmène à l’étranger à la recherche d’un emploi ; en l’occurrence directement en Belgique, ou en passant par un pays de transit comme le Portugal ou l’Italie où il contraint la jeune fille à la prostitution.

Selon le rapport, des organisations criminelles (albanaise, roumaines, bulgares, nigérianes) recourent à la méthode du loverboy, notamment auprès de mineures. Un dossier bulgare cité évoque au passage les solides protections policières et judiciaires dont certains de ces hommes bénéficient dans leur pays.

Les affaires relatées montrent le degré de torture que ces pseudo séducteurs sont capables de faire endurer à leurs victimes. Certains les droguent pour s’assurer en outre leur soumission. Mais malgré le traitement qu’ils leur réservent, la majorité des victimes ne tiennent pas rigueur de la violence de leur loverboy. Elles assistent leur amoureux lors de procès en venant le soutenir. La seule chose qu’elles aient du mal à lui pardonner est… son infidélité.

Les victimes recrutées en Belgique même ne diffèrent guère des étrangères. Il s’agit de jeunes filles isolées, parfois en fugue, qui ont rencontré pour la plupart des problèmes familiaux. Le loverboy les aborde par Internet, dans les cafés pour jeunes ou autour des foyers. A force de compliments et de cadeaux, il rend sa proie folle de lui et s’arrange pour couper tous les liens qu’elle peut encore avoir. Un jour agressif, un jour « gentil », il la force à repousser ses limites et à consommer de la drogue. Une fois dépendante, la victime apprend de son exploiteur qu’il a « des problèmes » et qu’il lui faut rembourser les frais engagés pour elle et donc se prostituer. Une méthode finalement traditionnelle, utilisée partout et depuis longtemps pour enrôler de jeunes prostituées.

Le système n’a aucune peine à se maintenir puisque certaines deviennent par la suite des lovergirls qui recrutent à leur tour au profit de leur loverboy, dans l’espoir de garder son estime et son « amour ».

La Belgique découvre donc avec stupeur un phénomène en pleine banalisation. Les Pays-Bas s’en sont déjà émus, pays où la prétendue professionnalisation de la prostitution n’a fait que la normaliser et donc encourager les proxénètes.

Le rapport belge relève que ces situations sont mal détectées, mal évaluées et que les victimes, peu protégées, courent plutôt le risque d’être stigmatisées comme des gamines à problèmes. Un plan d’action a été élaboré pour optimiser l’accueil de ces jeunes victimes mais on est loin du compte.

A la lecture de ce rapport, on ne peut que faire le lien avec la montée en France d’une prostitution de mineures qui repose bien souvent sur les mêmes procédés de recrutement. Et sur la même absence de réponses à la hauteur de la situation.