Michela Marzano analyse les conséquences de l’envahissement pornographique. Non seulement il contribue à modeler les relations entre les hommes et les femmes, à glorifier le sadisme, mais il impose surtout un retour à l’ordre ancien.
Échangisme, partouzes, pornographie… C’est chic et c’est branché. La philosophe Michela Marzano sait que critiquer ces symboles de la liberté sexuelle
contemporaine l’expose à se voir traiter de mère la vertu. Dans un livre passionnant, elle entreprend pourtant d’analyser le malaise sexuel
de notre temps et notamment la pornographie, symptôme, selon elle, d’un trouble profond qui entoure aujourd’hui notre rapport au corps et, plus généralement, nos relations avec l’autre.
Explorant ce que la pornographie dit de nous et de notre société, Marzano décrit un paysage où la rencontre sexuelle devient un rapport de force et de domination, une relation entre maîtres et esclaves, sujets et objets, activité et passivité
.
Elle dénonce l’impasse dans laquelle nous mène le conformisme libertaire, la manière dont la surenchère pornographique enferme les hommes et les femmes dans un monde préfabriqué où aucune rencontre libre n’est plus possible. Elle décrypte les contradictions d’un monde qui prône la liberté tout en renfermant les individus à l’intérieur de normes contraignantes, un monde qui exalte le plaisir tout en liquidant le désir, qui réduit le sexe au libre-échange et la rencontre à un contrat ; comme si le seul langage compréhensible était désormais le rapport marchand.
Elle se livre au passage à une analyse en règle de la fameuse notion de « consentement », désormais brandie pour excuser tout.
Bien évidemment, l’auteure aborde à l’occasion la prostitution, revendiquée elle aussi par les partisans de la libre entreprise et de l’avènement de l’individu-consommateur.
Pornographie et prostitution sont un calque du discours de l’économie libérale. La « liberté » y est entièrement codifiée par le marché et imposée par les médias de masse. Selon elle, les esprits libertaires oublient étrangement que la « liberté » des forts s’y exerce aux dépens des plus faibles.
Michela Marzano analyse les conséquences de l’envahissement pornographique. Non seulement il contribue à modeler les relations entre les hommes et les femmes, à glorifier le sadisme, mais il impose surtout un retour à l’ordre ancien, un ordre dans lequel les hommes, face à des objets sexuels et passifs, retrouvent les marques de leur virilité perdue.
Homme violent, femme salope, le discours porno ne brille pas en effet par sa modernité.
Rappelant que l’industrie porno rapporte des milliards d’euros, Marzano conclut en précisant qu’elle n’a aucunement l’intention d’instaurer une nouvelle police des mœurs. Bien au contraire, son seul but est de permettre à tous, justement, d’être libres de disposer de leur corps et de leur sexualité.