En France, les femmes demeurent majoritaires dans les domaines professionnels les moins payés, ont plus souvent des emplois non qualifiés, sont les premières touchées par les contrats précaires et les temps partiels imposés, et restent touchées par un taux de chômage supérieur à celui des hommes.
Le monde du travail illustre la permanence des rapports inégalitaires entre hommes et femmes et la rigidité des rôles traditionnels. Fin décembre 2005, 53% des demandeurs d’emploi[[Ces chiffres sont issus de l’Observatoire de l’ANPE, juillet 2006.]] étaient des femmes. Le taux de chômage des femmes s’établissait à 10,5%, soit 1,7 point de plus que celui des hommes, selon les chiffres officiels.
Selon les tranches d’âge, les écarts sont à moduler. Pour les moins de 25 ans, on compte 16% de chômeuses en plus chez les filles alors que leur niveau d’études est supérieur et que la charge d’enfants n’existe pas encore. Pour la tranche des 25-49 ans, les femmes ont un taux de chômage supérieur de 28% à celui des hommes.
De la même façon, les niveaux de chômage varient selon les catégories socio-professionnelles et les nationalités. C’est chez les ouvrières que l’écart avec les hommes est le plus important (16% contre 10,2%). Les étrangères atteignent un taux de chômage de 31,9% entre 15 et 24 ans.
Des activités réduites
Le fait d’exercer des activités réduites ou occasionnelles est plus fréquent chez les femmes. En décembre 2005, plus d’un tiers des inscrites comme demandeurs d’emploi était concerné par des activités réduites, intérims, contrats de courte durée, stages, contrats saisonniers ou emplois à temps partiel subis.
Cette situation a des répercussions sur leur niveau de salaire, inférieur de 20% en moyenne à celui des hommes, et sur le montant de leurs retraites. Reflet de leur place dans l’emploi, les femmes sont sous-représentées dans le haut de la distribution des salaires (à bac +2, 67% des hommes et 42% des femmes se trouvent parmi les 20% les mieux payés) et sur-représentées dans le bas (en 2002, 18% des hommes et 53% des femmes se trouvaient parmi les 20% de salariés aux salaires les plus faibles).
Les inégalités professionnelles tiennent essentiellement à la profonde inégalité dans la répartition des charges familiales. Les femmes continuent d’assurer 80% des activités liées aux tâches domestiques et familiales et ce modèle reste profondément intégré par les acteurs économiques comme par les syndicats que cet état de fait laisse indifférents. Une moindre disponibilité le soir, le mercredi, pour les réunions tardives ou les déplacements, les interruptions diverses (maternité, congé parental, temps partiel choisi ou imposé, chômage plus fréquent…) s’allient pour limiter le déroulement de carrière des femmes.
Les inégalités sont également dues à la rigidité et à la limitation des rôles traditionnellement attribués aux femmes. Ainsi, douze métiers seulement concernent la moitié de la demande d’emplois des femmes inscrites contre trente-quatre métiers pour les hommes. Il s’agit essentiellement de métiers de service aux personnes (auprès d’enfants ou à domicile, agents de service de collectivités) ou de services administratifs (secrétaires, agents administratifs ou d’accueil). La plupart de ces métiers sont quasi exclusivement féminins et les offres en sont très majoritairement à temps partiel.
Le temps partiel au cœur des inégalités
La mise en place du travail à temps partiel depuis les années 80, qui a servi les employeurs en leur accordant une main d’œuvre « flexible », a créé une situation de précarité particulièrement sensible pour les femmes. L’immense majorité des travailleurs à temps partiel sont des femmes, dans des secteurs aux professions souvent peu qualifiées.
Vendeuses, caissières ou femmes de ménage travaillent souvent pour un salaire largement inférieur au smic et avec des horaires éclatés. Les caractéristiques du temps partiel font clairement apparaître une corrélation entre emplois précaires, emplois sous-qualifiés, emplois flexibles et secteurs féminins de l’emploi.
Beaucoup d’analystes s’accordent donc à désigner aujourd’hui le temps partiel comme une des principales causes de l’inégalité professionnelle entre hommes et femmes. En France, en 2003, le travail à temps partiel concernait 29,4% des femmes actives occupées, contre 5,4% des hommes actifs, c’est-à-dire que 82% des 4 millions d’actifs à temps partiels sont des femmes. Le chômage de longue durée est également plus important pour les femmes qui travaillent à temps partiel.
Précarité et pauvreté au féminin
Sous le prétexte de permettre aux femmes de concilier vie professionnelle et familiale
, on leur permet surtout de concilier, selon les termes de la sociologue Margaret Maruani, bas salaire, précarité et désorganisation de la vie familiale
avec des horaires flexibles et imprévisibles.
Au-delà de la tradition d’inégalité, on a créé de toutes pièces une forme d’emploi spécifiquement féminine
et des poches de pauvreté féminine
, déclarait-elle lors d’une audition de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée Nationale[[Documents d’information de l’Assemblée Nationale, rapport d’information n° 1118.]]en octobre 2003. Spécialiste des questions d’emploi, elle s’étonnait du silence qui entoure cette catégorie de travailleurs pauvres que sont les travailleuses pauvres. Margaret Maruani pointait avec pertinence la tolérance sociale
qui accompagne ces situations comme si, sans le dire, on persistait à juger la situation moins grave pour les femmes, dont le salaire demeurerait un simple « salaire d’appoint ».
Dilués dans les revenus des ménages, les bas salaires des femmes passent inaperçus : elles ont un conjoint actif alors que les hommes pauvres ont une conjointe inactive. De surcroît, de plus en plus de ménages n’ont plus que le salaire de la femme.
Margaret Maruani met par ailleurs en cause les chiffres du chômage officiel en notant que l’on esquive globalement la question du chômage des femmes : les « jeunes », les cadres, les plus de 55 ans, sont des catégories régulièrement évoquées mais pas les femmes. La réalité, selon elle, montre des différences beaucoup plus significatives entre hommes et femmes que celles que révèlent les statistiques officielles. Et les chiffres sont muets sur la montée en force des bas et très bas salaires. Le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF) insiste également sur les nombreuses femmes qui échappent à tout recensement du chômage en se fondant dans une forme spécifiquement féminine et socialement invisible de la privation d’emploi, les « femmes au foyer ».
Un « plafond de verre » tenace
Les habitudes résistent durement, et à tous les niveaux. Ainsi, en dépit de leur meilleur niveau de formation initial (les filles sont désormais plus diplômées), elles restent nettement sous-représentées dans les fonctions d’encadrement et les postes à responsabilité.
Un bon exemple, celui des professions féminisées comme les institutrices-professeures d’école : les trois quarts des directeurs sont des hommes alors qu’ils ne représentent qu’un quart de la profession.
La « fragilité » de la situation des femmes demeure un fait tenace. À l’aune de leur cantonnement actuel dans la précarité et les emplois de « service », le débat actuel sur une éventuelle légalisation de la prostitution prend un relief tout particulier.
À l’heure où des lobbys organisés militent en faveur du « travail du sexe », au nom du profit et sous des emballages libertaires, le résultat en sera une aggravation sans précédent de la situation des femmes, réelle et symbolique : une condamnation croissante au manque d’avenir, à l’absence de formation professionnelle, au mépris et à la violence. Faut-il vraiment en faire un combat pour demain ?
Une inégalité flagrante face au régime des retraites
Dans le régime général, les femmes partent en moyenne deux ans plus tard que les hommes, mais 4 femmes sur 10 et 1 homme sur 10 perçoivent une pension inférieure à 600 € par mois. 60 % des femmes partent avec une carrière incomplète ; elles n’ont en moyenne que 122 trimestres de cotisation contre 166 pour les hommes.