Prostitution, GPA, 2 systèmes d’exploitation similaires

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Le Forum de la marche mondiale des femmes « féministes pour penser demain » s’est tenu le 19 septembre à Toulouse. Le Mouvement du Nid et la CIAMS participaient à une rencontre sur la thématique : « GPA, prostitution, pour l’abolition de la marchandisation des femmes ». Une rencontre passionnante, qui a permis de mettre en évidence des similitudes fortes entre ces deux systèmes d’exploitation.

Intervenaient lors de ce débat Marie- Josèphe Devillers de la CIAMS (Coalition pour l’abolition de la maternité de substitution/GPA), Liliane Varga du Mouvement du Nid de Haute-Garonne, Sandrine Goldschmidt du Mouvement du Nid-France et Alexine Solis, survivante de la prostitution.

L’objectif de la rencontre était d’esquisser une comparaison entre GPA et prostitution autour de trois grandes questions. La première, « où sont les pays abolitionnistes ? », a permis de relever une première évidence : à travers le monde, les pays qui interdisent la GPA et l’achat d’actes sexuels sont ceux où la notion de dignité est prééminente, où les droits des femmes et les droits sociaux sont les plus avancés, notamment les pays nordiques et la France (qui a beaucoup de lois en la matière mais pas toujours pleinement appliquées). A contrario, les pays qui réglementent la prostitution vsont essentiellement issus du modèle anglo-saxon où sont centrales la liberté d’entreprise et la notion de contrat.

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Cas à part, l’Allemagne qui interdit la GPA et a légalisé la prostitution. La persistance dans ce pays d’une forme de puritanisme a été évoquée comme explication : la « maman biologique» demeure au centre des préoccupations d’une société où les femmes ne sont toujours pas aidées à concilier maternité et travail ; en face, la « putain », aujourd’hui rebaptisée travailleuse du sexe, est, elle, livrée aux prostitueurs.

Les hommes et le marché, premiers bénéficiaires

Deuxième point abordé : dans la prostitution et la GPA qui sont les bénéficiaires ? Les femmes qui gagnent ainsi leur vie ? Les parents d’intention (qui commandent la GPA) ? Dans les deux systèmes, les bénéficiaires apparaissent très clairement : ce sont d’abord les hommes. Car même dans la maternité de substitution, lorsqu’une mère d’intention «obtient» un enfant, elle ne devient jamais la mère biologique, elle n’apparaît pas dans la filiation.

Dans la prostitution on le sait, la quasi-totalité des « clients » prostitueurs sont des hommes, plus de 80 % des victimes sont des femmes ou des filles, et c’est l’ensemble des hommes qui profitent d’un « droit d’accès aux femmes pour du sexe ». Enfin, parmi les proxénètes, ce sont les hommes qui en profitent le plus, seuls à gagner de l’argent. Si des femmes proxénètes existent, ce sont le plus souvent d’anciennes victimes. Dans le proxénétisme nigérian, les « mamas » se font exploiteuses pour rembourser leurs dettes.

L’autre grand bénéficiaire, c’est le marché : les mafias et les grandes sociétés mondiales. Dans la GPA, tous les intermédiaires, les cliniques, les labos, les avocats pour établir les contrats ; dans la prostitution, c’est l’ensemble de l’économie qui repose sur l’exploitation sexuelle des femmes, en particulier dans la prostitution filmée (pornographie). Ainsi, comme le disait dans ces lignes Sony Perseil (Prostitution et Société n°192) « C’est en effet un proxénétisme à échelle industrielle. Sont concernés ceux qui organisent, diffusent, font la publicité ou ceux qui en bénéficient : producteurs, réalisateurs, maquilleurs, cameramen ! Tous les diffuseurs, chaines de télé (Canal Plus par ex.), « pay per view » dans les chaines hôtelières, organes de presse, Internet, qui réalisent un pourcentage de leur chiffre d’affaires dans le X ; les réseaux de diffusion par câble, satellite ou voie hertzienne! Une grande partie des réseaux de distribution de la presse en France pourrait être quali ée de proxénètes. Les techniciens qui contribuent à la production mais aussi les appartements utilisés pour les tournages répondent à la définition du proxénétisme. (…) La pornographie est maintenant intégrée au numérique mondial : Apple, Google sont proxénètes. En fait, tout le monde palpe, alors que les actrices gagnent de moins en moins ».

Une dissociation traumatique indispensable

Enfin, était abordée la question des violences et de leurs conséquences sur la santé des femmes exploitées. Les mères porteuses courent des risques dans leur grossesse de 25 % supérieurs aux mères biologiques. Le risque de pré-éclampsie est beaucoup plus élevé pour elles. Et si le suivi médical des femmes pendant la grossesse est très étroit, et d’ailleurs inséparable d’une privation de libertés, c’est au bénéfice non pas de la mère mais des parents d’intention, les « clients ».

Comme dans la prostitution, leur santé (dans les pays non abolitionnistes) n’intéresse donc la société que lorsqu’il s’agit de protéger ces « clients ». Ce sont les mêmes motivations qui sont aux sources des lois hygiénistes de réglementation de la prostitution, comme en France au 19ème siècle où la priorité était de protéger les « pères de famille » des maladies sexuellement transmissibles.

Le type de loi toujours adopté dans le modèle réglementariste. Conséquence majeure sur la santé des femmes en prostitution, la dissociation traumatique est également présente– on s’y attend moins – côté mères porteuses. En effet, pour les amener à supporter la séparation de l’enfant après la naissance, on les encourage à se dissocier de leur ventre, qualifié de « four à pain », et à ne pas nouer d’attachement avec le bébé qu’elles portent.

Dans la prostitution, la dissociation entre soi et l’autre, celle qui est prostituée, a été lors de la rencontre décrite de façon poignante par Alexine, survivante de la prostitution. Elle a expliqué qu’elle rejetait totalement son sexe comme ne faisant pas partie d’elle-même alors qu’elle était prostituée. Et dès qu’elle sortait du lieu où des hommes l’achetaient, elle effaçait totalement de sa mémoire ce qui venait de se passer. Quand c’était trop difficile, elle s’alcoolisait pour favoriser cet oubli.

Une discussion avec le public a permis de prolonger la réflexion sur la nécessité de mieux appliquer la loi abolitionniste, de contrer le langage mensonger – et dissociant – tendant à faire passer la prostitution pour un « travail du sexe », qui serait un «métier comme un autre». Et de continuer à exposer la réalité de ces systèmes d’exploitation qui constituent deux versants d’une tentative de négation des femmes en tant qu’être humains. Servant, dans un cas, de contenant à bébé, dans l’autre, de réceptacle du sperme des hommes, de « trous à remplir ».