(Que signifie « témoigner »? Appoline a confié son témoignage à Derib, dessinateur et scénariste de notre BD de prévention Pour toi Sandra)
Cela fait bientôt 7 ans que c’est fini, que je peux en parler. J’en suis sortie – c’est fini! Je pense à toutes celles qui y sont encore, qui n’ont peut-être même pas conscience d’y être. Je veux les aider à y échapper car, maintenant, j’ai assez de forces.
C’est ainsi que je commence à trouver un sens pour ce vécu : serait-il utilisable pour aider d’autres personnes? Tout ne serait donc pas arrivé pour rien ? J’en ai tout d’un coup la certitude.
« Vous avez le droit de refuser »
J’aimerais pouvoir dire à chacune : «Non, ce que vous vivez n’est pas normal. Vous avez le droit de refuser, de fuir, le droit de parler, de chercher de l’aide.»
Combien je suis solidaire de Doris, lorsque je la vois tout en bas de la page 53, ou sous la douche, à la page 63…
Avec Pour toi Sandra, j’ai repris le contact avec les sentiments de dégoût, de honte, de culpabilité, de responsabilité, et aussi avec l’ambivalence, comme celle de Doris, forte et dominatrice de la page 55.
Pour les avoir reconnus chez Doris, j’ai compris que tous ces sentiments peuvent cohabiter, qu’ils sont réels et légitimes, que ce n’est pas des «histoires». Dur travail en thérapie : prendre conscience que je ne dois rien à personne, que je n’ai plus de compte à rendre, sauf à moi-même.
D’une manière générale, ce livre m’a aidée à mettre ensemble des pièces importantes de mon puzzle. Je l’ai relu plusieurs fois, pendant les vacances de Noël. J’aime beaucoup cette fin plein d’espoir, la rencontre de Doris avec Jean, un homme gentil, respectueux et honnête. Pour ma part, je ne dois pas être assez prête car je suis toujours seule. Il est vrai que toute cette histoire influence encore l’aspect relationnel de ma vie.
Afin de ne pas avoir vécu tout cela «pour rien», je ressens à présent le besoin de faire fructifier cette expérience, de la rendre fluide, de la faire couler plus loin que moi. Un peu comme pour casser le «bouchon» qu’elle a fait à l’intérieur.
J’aimerais pouvoir dire à toutes celles et ceux qui sont seul·es avec un terrible secret, quelqu’il soit, que des personnes sont là pour les écouter, pour les aider.
Que tout n’est pas détruit. Que nous pouvons reconstruire, même à partir de peu. Et surtout, que nous avons toutes et tous, en nous, une force beaucoup plus puissante que celle qui avilit ou anéantit : c’est la force de la vie.