Carlton de Lille : proxénètes inquiétés, « clients » inquiets

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«Proxénétisme aggravé en bande organisée», «association de malfaiteurs», les termes sont d’autant plus retentissants qu’ils visent un milieu feutré, celui des hôtels de luxe. Au Carlton, le secret a fini par être éventé.

mis à jour 26/10/2011

Trois hôtels lillois, dont le Carlton, font donc l’objet d’une fermeture administrative de trois mois[[À la suite d’une décision mardi 25 octobre de la Cour d’appel de Douai, l’hôtel Carlton pourra rester en activité, le tribunal estimant qu’il n’y avait pas de risque de réitération des faits à ce stade.]], depuis que le propriétaire Hervé Franchois, le directeur Francis Henrion et le chargé des relations publiques René Kojfer (également informateur de la police), ont été mis en examen et écroués, le 13 octobre 2011, pour avoir fourni les services de prostituées à leurs clients. L’avocat Emmanuel Riglaire, une pointure du barreau lillois, est également poursuivi pour les mêmes faits et placé sous contrôle judiciaire.

C’est une affaire entamée en Belgique, avec l’interpellation de plusieurs personnes qui auraient organisé un réseau de prostitution employant de jeunes adultes et quelques mineures, qui a mené les enquêteurs jusqu’au Carlton.

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Selon le journal La Voix du Nord[La Voix du Nord, 14 octobre 2011, [Deux nouvelles mises en examen dans l’affaire du Carlton.]], des chefs d’entreprises et des personnalités lilloises connues appelaient le chargé des relations publiques du Carlton pour réserver une chambre avec un dossier, mot de passe indiquant la présence d’une prostituée.

Particulièrement attachés à leur anonymat, les « clients », non poursuivis dans l’état actuel de la loi française (qui pourrait bien changer), doivent se sentir mal à l’aise : on parle d’un homme politique haut placé, de gradés de la police, d’un dirigeant du monde du bâtiment, du directeur d’une salle de concert de la région… Le nom de Dominique Strauss Kahn a été cité par deux témoins comme ayant participé à des parties fines organisées par le réseau du Carlton, ce que l’intéressé a démenti en parlant d’insinuations malveillantes.

Il apparaît que les « clients » ne manquaient pas de choix. Les tenants de ce réseau étendu de Lille à plusieurs villes de Belgique auraient eu à leur disposition cent soixante jeunes femmes venues d’Angola, de Madagascar, d’Algérie, d’Irak, du Brésil mais aussi des Françaises de la région lilloise dont beaucoup étaient prostituées dans les bars à hôtesses belges[À lire également sur ce site : [.]].

Pour faire fonctionner pareille machine, la coopération frontalière des proxénètes a une nouvelle fois montré toute son efficacité. Le parquet de Lille a ainsi révélé avoir mis en évidence des liens avec des personnes gérant plusieurs établissements de prostitution et bars en Belgique, notamment Dominique Alderweireld alias Dodo la Saumure, ancien voyou parisien reconverti en tenancier de maisons closes, avec la bénédiction de l’État belge.

L’enquête se poursuit. L’avocat du directeur du Carlton, Franck Berton, a fait savoir que son client n’est qu’un lampiste et qu’il faut surtout aller voir du côté de fonctionnaires de police de premier plan. Et après le patron d’une fililale d’Eiffage, David Roquet, c’est au tour du chef de la sùreté départementale du Nord, le commissaire divisionnaire Jean-Christophe Lagarde d’être interpellé et placé en garde à vue.

Les deux hommes se sont rendus à Washington à l’invitation de Dominique Strauss-Kahn, séjour qui intrigue les enquêteurs. Il s’agit de savoir si ces déplacements avaient un rapport avec le réseau mis à jour, les policiers sachant que M. Roquet organisait des soirées spéciales. Des déplacements à Paris seraient également liés à l’affaire.

Les policiers cherchent à savoir quelle contrepartie pouvaient avoir les soirées à 30 000 euros (voyages, repas et jeunes femmes) payés entre autres par l’entreprise de M. Roquet et celle d’un autre homme d’affaires, placé en garde à vue avec son ancienne compagne et soupçonné d’avoir facilité les contacts entre M. Strauss-Kahn et des membres du réseau présumé.

Cinq personnes au total sont donc désormais mises en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée. L’affaire, déjà sensible, n’a sans doute pas fini de révéler toutes ses facettes.