Dodo la Saumure : « Les droits des femmes, je suis contre »

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Cette phrase historique, c’est au fameux Dodo la Saumure qu’on la doit : de son vrai nom Dominique Alderweireld, proxénète notoire bien connu depuis l’affaire DSK, habitué des prisons belges où il a purgé plusieurs peines, la dernière remontant à 2019 pour traite humaine et proxénétisme, entre autres.

Aussi philosophe que grand expert du droit, humaniste jusqu’au bout des ongles, le marchand de femmes précise être plutôt « pour les droits de l’humanité » Nous voilà rassurés.

Qu’un proxénète soit contre les droits des femmes, on s’en doutait. Son activité en est la preuve quotidienne. « Metoo, je ne sais pas ce que c’est », a-t-il ajouté. Mais les déclarations récentes de ce voyou de la pire espèce (trop souvent présenté comme le rebelle assez libre pour faire un pied-de-nez au petit bourgeois),
ne s’arrêtent pas là.

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Emporté par l’enthousiasme après la récente révision du code pénal belge, en juin 2022, le malheureux dont les comptes avaient été bloqués et les « bars » fermés, a lâché le morceau : « La nouvelle loi va me permettre d’ouvrir des maisons de prostitution d’une manière totalement légale ! »

On tend l’oreille. La presse nous avait pourtant assuré que cette loi de « dépénalisation du travail sexuel » était là pour faire le bonheur des personnes prostituées. Les articles n’avaient qu’un mot à la bouche : des droits ! Des droits pour elles, bien sûr ; des mutuelles, des assurances maladie, des congés maternité, du chômage… (on attend fébrilement la mise en œuvre de ces promesses). Cette lecture nous avait laissé·es sceptiques.

Une loi sur mesure pour Dodo la Saumure

Il y avait de quoi. « La loi est vraiment très bien et très carrée. C’est ce qu’il fallait ! » déclare le bonhomme récemment délivré de son bracelet électronique. Bref. Mieux qu’un long discours, cette réaction à chaud confirme nos intuitions, pour ne pas dire nos certitudes. La fameuse loi fait la joie des proxénètes et des trafiquants ; et celle des « clients » bien entendu, dont l’existence et le rôle clé dans l’exploitation en série des femmes ne sont même pas relevés dans le texte. CQFD.

Une nouvelle fois, les « droits des prostituées » sont une vitrine, une habile présentation pour laisser le champ libre à la seule loi qui vaille, celle du marché. Si l’on sait lire, l’unique limite opposée aux proxénètes est celle de réaliser « un profit anormal »… Le profit normal du proxénète sera donc pour lui la garantie d’avoir toujours plus de bordels à diriger et de femmes à exploiter ; et toujours plus de clients, logiquement de plus en plus exigeants, à contenter.

Les associations abolitionnistes, qui n’ont pas eu voix au chapitre pour la révision de la loi, avaient raison, elles qui ont dénoncé l’abrogation des principaux outils juridiques à même de protéger les victimes et
de poursuivre les auteurs de traite des êtres humains. Dodo est assez malin pour l’avoir tout de suite compris.

Pourquoi les lois libéralisant l’activité des proxénètes sont-elles toujours présentées comme des lois favorables aux personnes prostituées ? Qu’on nous explique ce mystère et surtout cette confusion. Le mot « dépénalisation » agirait comme un sésame. Mais, il ne suffit pas de dépénaliser. Encore faut-il savoir quoi. Et qui.

Une loi qui dépénalise les proxénètes ne peut pas être favorable aux femmes. Les droits des femmes, ils sont contre ; Metoo, ils ne savent pas ce que c’est. Et ils ne s’en cachent même plus.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.