Proxénétisme sur internet : lettre ouverte au Premier ministre

1704

Pourquoi le proxénétisme sur Internet, qui augmente massivement depuis 10 ans, échappe-t-il massivement à la loi pénale en matière de lutte contre le proxénétisme ? Le Mouvement du Nid publie une lettre ouverte envoyée au premier ministre Bernard Cazeneuve ce 14 avril 2017. La voici.

Monsieur le Premier Ministre,
Cher Bernard Cazeneuve,

Recevez nos derniers articles par e-mail !
Lettres d'information
Recevez nos derniers articles par e-mail !
S'abonner

Nous avons tenu à vous écrire pour vous faire part de notre extrême
inquiétude quant à l’impunité dont semble bénéficier le proxénétisme sur
Internet. Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’offre de
prostitution en ligne n’a cessé d’augmenter ces 10 dernières années. En
2015, notre enquête Proscost dévoilait ainsi que 62% de la prostitution
serait désormais «promue » par le biais d’Internet.

En 2017, de nombreux sites Internet proposent sur le territoire
français, et sans être poursuivis, une offre de nature incontestablement
proxénète.

Le code pénal (article 225-6) qualifie en effet de proxénétisme « le
fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit :
• De faire office d’intermédiaire entre deux personnes dont l’une se
livre à la prostitution et l’autre exploite ou rémunère la prostitution
d’autrui
• De tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les
produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant
habituellement à la prostitution »

Par ailleurs (article 225-7), « l’utilisation, pour la diffusion de
messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de
communication électronique » est reconnue comme une circonstance
aggravante du proxénétisme.

Or aujourd’hui, de nombreux sites Internet font non seulement office
d’intermédiaires entre les personnes prostituées et les acheteurs de
sexe, mais en tirent en plus des profits considérables.

Chaque semaine, des articles de presse font état de condamnations de
proxénètes, y compris sur mineur.e.s, qui ont utilisé des sites
d’annonce pour promouvoir la prostitution des personnes qu’ils
exploitaient. Dans toutes ces affaires, les sites Internet ont non
seulement favorisé cette exploitation, et son ampleur grâce au public
qu’ils touchent, mais ont aussi eux-mêmes tiré un profit financier
direct de cette exploitation.

Ces sites Internet prétendent maladroitement ne pas connaître la nature
prostitutionnelle des annonces publiées sur leur site. Mais cet argument
ne peut tenir la route. Le Ministère de l’Intérieur lui-même agrège le
nombre d’annonces postées sur les sites Internet Wannonce, Vivastreet,
6annonces, Niamodele lorsqu’il veut évaluer le nombre de personnes
prostituées sur Internet, reconnaissant ainsi la nature évidemment
prostitutionnelle, même si déguisée, de ces annonces.

Plusieurs enquêtes journalistiques ont ainsi récemment montré que le
site Internet Vivastreet :
• Consacrait sa rubrique payante Erotica (dont le nom vient de changer)
à des offres de prostitution (France Inter et Le Monde). Cette rubrique
comporte 7000 annonces.
• Tirait « entre 11 et 21 millions d’euros de profit annuel » de cette
même rubrique, ce qui la plaçait au cœur de son « modèle économique »
(Le Monde)

Monsieur le Premier Ministre, le proxénétisme est selon le code pénal
une atteinte grave à la dignité de la personne. Le Mouvement du Nid, qui
rencontre et accompagne chaque année 5000 personnes prostituées et
victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains a le devoir
moral de tirer une sonnette d’alarme face aux milliers (entre 7000 et 10
000) offres de nature proxénète quotidiennement accessibles en ligne.

Nous vous demandons solennellement de prendre toutes les mesures pour
mettre fin à cette impunité qui rapporte tant aux sites proxénètes et
coùte tant aux victimes.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à ce cri d’alarme,
nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de
nos meilleurs sentiments.

Jacques Hamon
Président du Mouvement du Nid