Valérie Bacot a vécu l’enfer, de ses douze ans jusqu’au jour où, après avoir subi un viol tarifé particulièrement ignoble, elle a tué son bourreau, beau-père violeur, mari violent et conjoint proxénète. Elle raconte son parcours dans « Tout le monde savait ». Elle sera jugée aux assises fin juin 2021. Une pétition de soutien a recueilli près de 450 000 signatures.
« Nom de code Adeline ». C’est le titre du chapitre du livre de Valérie Bacot, « Tout le monde savait », qui parle de comment Daniel, son violeur, beau-père incestueur, homme violent et proxénète, l’a mise en prostitution, livrée à des prostitueurs en lui donnant ce nom de code.
Un chapitre insoutenable, comme le reste du livre, tant les violences, les humiliations, et la négation de son humanité par un seul homme qui l’a maintenue sous emprise depuis ses douze ans, restent inimaginables. Et cela, dans l’indifférence générale.
Il la prostituait sur la banquette de sa voiture, en lui imposant une oreillette, pour maintenir le contrôle et lui donner les consignes ! Elle devait toujours se positionner de telle façon qu’il puisse la voir. Aucun moyen pour elle de s’échapper ou demander de l’aide. Humiliation et emprise totales.
Emprise totale
Emprise totale, car avant d’être son conjoint violent, le père de ses quatre enfants, et son proxénète, Daniel, beaucoup plus âgé qu’elle, a été le conjoint de sa mère, le « beau-père » qui l’a violée à l’âge de douze ans. Viol que sa mère refuse de voir, mais qui est toutefois dénoncé par une membre de la famille de Daniel (qui a déjà un passé de violeur incestueux avec une de ses sœurs).
Il est reconnu coupable et emprisonné. Mais personne ne songe à protéger l’adolescente, lorsque sa mère l’emmène voir son violeur au parloir, par exemple. Impensable. Personne ne s’alarme lorsque la mère de Valérie lui ouvre à nouveau les portes de chez elle à sa sortie de prison. Valérie a 17 ans.
Les viols reprennent, il la met enceinte, et part vivre avec elle. S’ensuivent violence conjugale, viols conjugaux évidemment, dans un climat de terreur. L’emprise se resserre encore un peu autour de Valérie, bientôt mère de quatre enfants de son bourreau. Elle n’a aucun soutien, aucune estime d’elle-même, elle est coupée du monde, et si « tout le monde savait », personne ne dit rien. Ni dans le village, ni dans la famille.
Mise en prostitution : toujours plus loin dans l’humiliation
Dans ce contexte, la mise en prostitution est malheureusement peu étonnante.
Elle raconte :
« J’ai toujours eu envie de travailler. Avoir un emploi à l’extérieur de chez moi, même à mi-temps, cela me plairait énormément. Daniel me l’interdit, tout en me reprochant de ne pas rapporter d’argent à la maison. A cinq sur son salaire de chauffeur routier, les fins de mois sont souvent compliquées. « Tu es une incapable. Tout ce que tu pourrais faire c’est la pute », lui dit-il. Au départ, elle pense qu’il fantasme, sa jalousie étant -comme souvent dans ces cas-là, extrême. Il lui interdit de parler, de regarder un homme dans la rue, sous peine de représailles.
« Un jour pourtant, il le fait. Il me prostitue. Cette fois encore, je n’ai pas le choix ».
Une façon d’aller encore plus loin dans le contrôle, en faisant de Valérie sa chose, son objet. Comment s’en sortir ?
Terreur et menaces de mort
Peu à peu, les enfants grandissent, ils sont un soutien immense pour leur mère qui les aime inconditionnellement. Eux qui sont témoins de la violence, la soutiennent.
A 60 ans, Daniel parle de « prendre sa retraite » : «Ton activité ramène de plus en plus de clients. A partir de maintenant, tu vas vendre ton cul à plein temps », lui dit-il un jour.
Pour la mère et les enfants, la terreur s’intensifie à l’idée qu’il soit là tout le temps. De plus en plus souvent, il la menace de mort. Elle est de plus en plus convaincue, et les enfants aussi, qu’il va effectivement la tuer. Et suite à une remarque qu’il a faite à sa fille de 14 ans, elle pressent que bientôt, il va faire pareil avec elle, la prostituer…
Jusqu’à ce jour où, elle dit non à un « client » qui lui demande « de l’anal », qu’elle refuse. Le prostitueur la viole brutalement. Dans l’oreillette, le bourreau lui crie « laisse-toi faire, sale pute ! Sinon tu vas le regretter, je te jure que tu vas le regretter… »
Alors que le client l’a laissée nue et en état de choc, il crie encore « tu fais fuir le client, tu as tout gâché ! tu vas me le payer ! (…) Je vais te tuer, c’est la fin de ta vie de traînée ! Tu peux dire au revoir aux enfants ».
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L’ultime réflexe de survie de Valérie Bacot
Terrorisée, paniquée, dans un état second, toujours nue à côté de lui, elle prend le pistolet dans le cache et tire. Il est mort. Ensuite, avec l’aide de ses enfants, elle fait disparaître le corps, jusqu’à ce qu’elle soit dénoncée par une femme de son entourage. Elle encourt aujourd’hui la prison à perpétuité.
En relayant les témoignages des personnes accompagnées au Mouvement du Nid, on en a lu, des horreurs subies dans la violence prostitutionnelle. On le sait, à quel point violence sexuelle dans l’enfance, violence conjugale et violence prostitutionnelle sont liées. Mais à la lecture de « tout le monde savait », on a tout simplement le sang glacé.
Devant autant de cruauté, et devant autant d’indifférence de la société. Valérie Bacot a mis fin à ce cycle infernal en tuant son bourreau. Elle ne demande pas qu’on lui évite le procès. Mais elle espère que ce qu’elle a vécu sera reconnu et qu’elle aura une chance de vivre.
Nous espérons aussi, que la voix de Valérie sera entendue, et avec elle celle de toutes les victimes de cet infâme continuum des violences sexuelles, qui se finit si souvent par la prostitution. Son procès aura lieu du 21 au 25 juin.
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