Editorial : Incertain avenir

Incertain avenir. En avril 2026, cela fera 10 ans que la loi visant à lutter contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées aura été votée.

Moins d’un an avant cette échéance, quelles attentes pouvons-nous avoir pour l’abolitionnisme ? Que demander au législateur pour rendre cette loi plus efficace,
voire plus cohérente ?

Car si le parcours de sortie de prostitution est une excellente disposition pour aider
les personnes qui veulent s’extraire des violences, le bilan reste largement insuffisant.
Un peu plus de 1 000 personnes dont la vie a changé, c’est important, vital, mais on en voudrait quatre fois plus chaque année. Et le durcissement de la politique migratoire
dans certaines préfectures rend parfois difficile l’application de la loi.

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Aussi et surtout, sur tous les autres volets aussi importants de la loi, pénalisation
des prostitueurs, prévention de l’achat d’acte sexuel, lutte contre le proxénétisme, les moyens sont bien trop faibles et la volonté politique largement insuffisante. C’est le constat fait par le collectif FACT-S dont fait état, ce trimestre, notre dossier.

Alors que personne n’en ignore l’urgence avec l’explosion du proxénétisme des mineur·es, facilité par les réseaux sociaux, nous restons incrédules face au peu de réaction des autorités et de la société.

En outre, plus les associations de terrain s’engagent dans l’accompagnement (plus de
1 700 personnes en 2024 pour le Mouvement du Nid), dans la prévention des violences sexistes et sexuelles (auprès de 20 000 jeunes), et dans la sensibilisation (130 000 personnes avec La Vie en Rouge) moins les moyens suivent. L’incertitude politique qui règne depuis la dissolution de l’Assemblée nationale ainsi que les inquiétantes baisses de subventions, achèvent d’obscurcir toutes les perspectives d’avenir.

Consulter notre rapport annuel 2024

C’est bien l’inverse que l’on attendrait de cet anniversaire de la loi de 2016 !

Que tout soit mis en oeuvre pour que le système prostitutionnel soit enfin reconnu pour ce qu’il est : un enchaînement de violences et une violence sexuelle en soi qui devrait enfin être pénalisée à la hauteur des dommages qu’elle entraîne, et pour les personnes concernées et pour la société.

Nous ne pouvons qu’appeler à une mobilisation de tous les instants pour qu’enfin on prenne la mesure de l’urgence à soutenir et accompagner les personnes en situation de prostitution qui souhaitent un autre avenir et à placer les prostitueurs à la place qui leur revient : celle d’agresseurs au centre d’un système qui se nourrit de la violence et de l’exploitation des vulnérabilités.

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Sandrine Goldschmidt
Sandrine Goldschmidt est chargée de communication au Mouvement du Nid et militante féministe. Journaliste pendant 25 ans, elle a tenu un blog consacré aux questions féministes (A dire d’elles - sandrine70.wordpress.com) et organise depuis quinze ans le festival féministe de documentaires “Femmes en résistance”. Aujourd’hui elle écrit régulièrement dans Prostitution et Société.