En octobre 2014, l’Associated Press (AP) a lancé une campagne en ligne à l’occasion de la sortie de son guide 2015 destiné aux journalistes et professionnels des medias. Or, ce guide dénonçait le côté archaïque et stigmatisant
du terme prostitution et de ses dérivés. Plus de 300 organisations de défense des droits humains de 40 pays, dont le Mouvement du Nid, ont donc adressé une lettre ouverte à l’Associated Press (AP). Leur requête : ne pas remplacer les mots prostitution
et prostituéE
par travail du sexe
et travailleur/euse du sexe
.
inventés par l’industrie du sexequi font du tort à toutes les personnes victimes de l’esclavage sexuel.
Le terme de « travailleuse du sexe » suggère à tort que la personne qui est dans la prostitution est le principal agent dans une industrie du sexe brassant plusieurs milliards de dollars. Il rend invisibles et irresponsables les trafiquants, les proxénètes, les propriétaires de maisons closes et de clubs de strip-tease, et les acheteurs de sexe. Ceux-ci s’en prennent tous aux personnes vulnérables ayant des antécédents de pauvreté, d’itinérance et d’agressions sexuelles. La lettre cherche également à responsabiliser l’AP en tant que figure importante et influente dans le monde du journalisme :
Il est de votre responsabilité de vous assurer que le langage que vous utilisez dans vos articles n’induise pas de fausses représentations ou de déni de situations d’oppression. En s’engageant dans un tel chemin, en légitimant ainsi la prostitution et sa violence, il sera permis des termes comme
enfant travailleur du sexelorsqu’il est question de prostitution infantile… Le texte indique les termes qu’il serait le plus juste d’employer, et les moins dégradants :
personne prostituéeou
personne dans la prostitutionplutôt que
prostituéeou
travailleur/euse du sexeainsi que
prostitutionou
industrie du sexeplutôt que
travail sexuel. Pour finir, elle joint les réactions d’une dizaine de personnes survivantes de la prostitution, aujourd’hui militantes, de nationalités différentes. Entre autres, Vednita Carter dénonce le fait qu’il existe depuis trop longtemps une
guerre sexuelle contre les femmes et les enfantset la manière dont elle a réussi à se faire légitimer comme
le plus vieux métier du monde alors qu’elle est en réalité la plus vieille oppression du monde. Rachel Moran explique :
Personnellement, je n’appellerais jamais la prostitution autrement que prostitution, de la même manière que je n’appellerais jamais le viol par un autre mot que viol, tandis que Bridget Perrier relève la violence de cette façon de voir les choses :
Le terme « travail du sexe » est une offense. Les abus et l’indignité de ce qui m’a été infligé par les hommes qui ont payé pour me violer ne pourront jamais être considérés comme du travail. La prostitution n’a jamais été mon choix ; c’est elle qui m’a choisie.Cliquez sur la vignette ci-dessous pour télécharger la Lettre (en anglais) ainsi que les déclarations de plusieurs survivantes de la prostitution à l’égard d’AP. Lettre ouverte à Associated Press