En décembre 2013, notre délégation des Hauts-de-Seine a rencontré 6 classes de 5ème, soit 160 élèves, dans un collège de Malakoff. Des exercices ludiques, alimentés par l’expérience personnelle de chacunE, ont permis aux élèves de déconstruire les mythes sexistes, de mesurer ce qu’il reste à accomplir pour l’égalité Femmes-Hommes, d’acquérir des réflexes utiles pour se protéger des inégalités. Cette intervention participative et résolument positive a bénéficié d’une analyse sociologique, que nous vous invitons à découvrir…
Un questionnaire d’évaluation rempli par les élèves ainsi qu’une analyse sociologique de la participation des élèves lors de l’animation permet de mesurer les résultats concrets de cette action.
Objectifs de l’action
– Définir le sexisme : ce qu’il présuppose, ce qu’il implique, en quoi des logiques sexistes peuvent encore entretenir des inégalités dans notre contexte de vie.
– Faire réfléchir à propos des inégalités sexistes dans une relation amoureuse : quelles situations injustes ou irrespectueuses peuvent exister dans les relations garçons-filles, et comment s’assurer du respect et de la réciprocité dans une relation ?
– Questionner les élèves sur l’importance de l’estime de soi et sur les façons de la construire, apprendre à gérer le regard des autres et à être tolérant face aux différences de chacun, travailler sa capacité à s’affirmer sans nuire aux autres et savoir mettre en valeurs ses qualités personnelles.
Résultats de l’action
-1- Comprendre les logiques sexistes
Une première partie de l’action consistait à réfléchir en classe entière à propos des stéréotypes et des présupposés du sexisme au travers des images présentes dans la vie quotidienne, tels que les publicités ou des représentations visibles dans les moteurs de recherche sur Internet. Les élèves ont montré une réelle capacité à décoder les messages sous entendus dans les images en y intégrant une approche critique. Au travers des situations exposées, une déconstruction des mythes sexistes présentant et légitimant des statuts et des rôles inférieurs pour les femmes a pu s’opérer de manière ludique par le débat entre les élèves et par la grille d’analyse de l’image ensuite donnée par les animateurs.
La méthode a permit de contextualiser et d’illustrer en situation à la fois le contenu et l’application actuelle de certaines logiques sexistes, tout en démontrant leur poids actuel dans la société : dans la famille, dans le monde professionnel, en politique…
Les réponses au questionnaire d’évaluation démontre la pertinence de la méthode :
- plus de 85% des élèves ont bien retenu que le sexisme se caractérise par le fait de ne pas accorder les mêmes droits et les mêmes devoirs entre les hommes et les femmes,
- 65% des élèves ont intégré le fait qu’il n’y a pas d’incompétence donnée par la nature à un sexe ou un autre pour exercer quelques tâches, activités ou métiers que ce soit.
-2- Prendre conscience des conséquences du sexisme, et des efforts à porter
Toujours en classe entière, un travail sur les conséquences des logiques sexistes a été mené en prenant appui sur l’étude de situations concrètes évoquées par des témoignages d’élèves de leur âge et en commentant les résultats d’études statistiques sur l’ampleur des inégalités.
Les situations évoquées ont fait beaucoup réagir les élèves, faisant écho à des difficultés qu’ils ont déjà vécues ou constatées dans leur propre expérience personnelle : notamment dans les domaines du sport au collège, du partage de la cour de récréation entre filles et garçons, mais aussi à propos des remarques désagréables voire des insultes à l’encontre des filles. Les différences de salaires entre hommes et femmes est un sujet sur lequel beaucoup ignoraient ou sous-estimaient les écarts, tout comme les inégalités liées au monde professionnel de façon plus générale.
Un historique rapide des efforts réalisés par l’Etat et la société civile en faveur de la construction de l’égalité entre les femmes et les hommes a permis aux élèves de situer le contexte d’aujourd’hui et ses difficultés par rapport à la situation d’inégalités d’il y a quelques décennies. L’exercice permet de relativiser ce qu’il reste à accomplir pour assurer l’égalité face aux défis déjà réalisés.
Les réponses au questionnaire montrent que les élèves ont particulièrement bien retenu les domaines et activités qui étaient naguère interdits aux femmes dans le monde économique comme politique.
Les dates essentielles de la construction de l’égalité ont également retenues l’attention, puisque près de 90% des élèves ont su répondre que l’obtention du droit de vote pour les femmes date de 1944.
-3- Apprendre à repérer des situations d’inégalités dans une relation amoureuse
Le reste de l’animation s’est opérée en atelier réalisé en petit groupe de 10 élèves, répartis librement mais avec l’exigence de la mixité imposée par les animateurs. L’atelier a permis de créer un dialogue, y compris avec les élèves peu participatifs en classe entière, sur les inégalités pouvant se retrouver au sein d’une relation de couple, en particulier à propos du partage des taches, du statut et du pouvoir de décision de chacun au sein du couple, des interdictions arbitraires souvent en défaveur des filles….
Les élèves ont pu à nouveau illustrer le débat en apportant leurs témoignages et leurs expériences personnelles, donnant l’occasion aux animateurs d’insister sur l’importance du respect, de la réciprocité, et de l’autonomie de conscience et de décision comme critères essentiels et non négociables d’une relation amoureuse égalitaire et respectueuse de chacun. Des questions et des craintes des élèves peuvent être notés concernant les manipulations sentimentales, les grossesses précoces, ainsi que les pressions pouvant être exercés afin de faire accepter une relation sexuelle alors que celle ci n’est pas réellement désirée. Il y a un besoin de clarification et d’information à propos du droit et des situations inacceptables.
-4- Savoir développer son estime de soi
Toujours en petit groupe, les élèves ont pu au moyen d’un exercice ludique réfléchir sur les qualités et défaut qu’ils s’attribuent à la fois individuellement mais aussi entre eux. L’exercice a démontré que la tendance habituelle chez les jeunes de leurs âges à sous-estimer leur qualités personnelles se vérifie dans ces classes, ainsi qu’une certaine difficulté à évoquer ses qualités et défauts avec ses camarades de classe. Cela témoigne du poids que peut représenter le regard des autres dans la construction identitaire de ces jeunes. L’intérêt de l’exercice consistant à se rendre compte non seulement de l’étendue de ses forces et faiblesses mais aussi du fait que chacun peut les estimer ou les apprécier différemment.
L’intérêt de l’exercice concerne aussi la diversité des qualités et défauts estimés par chacun indépendamment du fait d’être une fille ou un garçon, démontrant ainsi la particularité de chacun et donc l’importance d’une attitude respectueuse et tolérante envers tous.
Conclusion
L’animation a permis des résultats très encourageants pour ce qui concerne plusieurs points. D’une part, un renforcement de la capacité de lecture et d’analyse critique de situations quotidiennes inégalitaires a pu se démontrer tout au long de la progression de l’intervention. Le fait de poser des mots, des jugements, des arguments sur ces situations a fait écho et répondu à certaines interrogations déjà présentes dans l’esprit des élèves. D’autre part, la méthode ludique et participative de l’intervention a fait éclore ces préoccupations et a donné aux élèves l’occasion de s’initier aux débats qu’impliquent ces questions de société.
Les élèves se sont montrés très sensibles à l’importance de reconnaître et combattre les inégalités sexistes, mais aussi et surtout à comprendre les avantages qu’apporte l’égalité dans la vie de chacun. Une attention particulière à pu être relevée lors de l’évocation des droits et des réflexes utiles pour se protéger des inégalités.
Pour une partie des élèves, l’animation a permit de clarifier des situations qu’ils suspectaient déjà d’être inégalitaires et condamnables. Pour d’autres, ce fut l’occasion de découvrir d’une part la persistance des inégalités parfois peu visibles, mais aussi de prendre conscience de l’importance du droit au libre choix de son propre parcours de vie. Un certain clivage peut être remarqué entre ceux qui ont une lecture critique individuelle et qui expriment souvent un attachement au principe de laisser libre chacun de construire son identité, et ceux qui restent quelque peu cloisonnés dans des identités collectives en se refusant le droit à se définir par eux même.