Un premier bilan: restez à l’écoute, de nouvelles initiatives suivront.
Toute la presse en a parlé. Journaux, radios, télés ont évoqué le McDo-du-sexe berlinois destiné à accueillir 650 hommes par jour ainsi que les box semblables à des toilettes publiques pour les “services sexuels” express. C’est d’ailleurs le premier mérite de cette pétition : donner pour la première fois une visibilité médiatique à un sujet auparavant occulté, l’exploitation sexuelle des femmes.
Du côté des sportifs, on note un silence pesant, rompu en France par Lilian Thuram et Raymond Domenech, entraîneur de l’équipe de France. Domenech n’a pas eu peur de se dire “choqué qu’on puisse parler de femmes comme ça, comme des esclaves ou du bétail (…) Le football, ce n’est pas ça”, a-t-il heureusement rappelé. La Fifa, en revanche, a fait savoir qu’elle n’était pas responsable de ce qui se passait hors des stades. La Fédération juge légitime la lutte contre le racisme mais n’estime apparemment pas répréhensible l’esclavage sexuel des femmes pour le bon plaisir des supporteurs.
Du côté des politiques, saluons entre autres la signature des élus PACA (Groupe Socialiste, Radical, Citoyen et apparentés, groupe Communiste et partenaires et groupe Verts) et celles de Nicole Fontaine, ancienne présidente du Parlement Européen, Marie-George Buffet, secrétaire générale du PCF, Yvette Roudy, ancienne ministre des droits des femmes (PS), Dominique Voynet (Les Verts), Françoise de Panafieu (UMP), Nicole Borvo (PC). Une représentation de l’échiquier politique qui montre mieux qu’un long discours la transversalité de la question de la prostitution et de la traite et souligne la sensibilité des femmes sur un sujet qui continue de laisser froid un grand nombre de nos élus hommes. Au masculin, notons les signatures de Bertrand Delanoë (PS) et Didier Bariani (UDF).
Enfin, parmi les ONG françaises, on relève, aux côtés du Mouvement du Nid, le Collectif féministe contre le viol, le Planning familial, Attac France, Mix-Cité Paris, les Chiennes de Garde, l’Alliance des femmes pour la démocratie, Femmes solidaires, l’UFCS (Union féminine civique et sociale), la Fasti (Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés), etc… Fadéla Amara, présidente de Ni Putes Ni Soumises, a signé de son nom propre.
À suivre…
Au sujet de la campagne “Carton rouge à la prostitution forcée”
En marge du Mondial de football et de la préparation par les proxénètes du “marché” de la prostitution appelé à exploser en cette occasion festive, le Conseil national des femmes, fédération d’associations féminines, a lancé en Allemagne la campagne “Carton rouge pour la prostitution forcée”, relayée par la Commission des droits de la femme du Parlement Européen.
En clair, ces dames s’émeuvent du coup de pouce donné aux trafiquants, mais aucune ne voit de difficulté à ce que des proxénètes offrent à des clients, pour leur bon plaisir d’avant ou d’après match, une marchandise féminine au même titre qu’une caisse de bière.
Cette décision est révélatrice d’un malaise croissant. Enferrées dans leur ambiguïté – garantir aux clients leur sacro-saint “droit” aux femmes tout en prétendant lui donner des limites –, elles proposent sans rire d’apprendre à ces derniers à distinguer les prostituées libres des prostituées forcées ! Cette proposition est ubuesque. On se demande bien comment les clients vont s’y prendre. Devront-il parcourir les trottoirs avec un questionnaire ou présenter la preuve qu’ils sont en possession d’une licence de psycho ?
Jusqu’où faut-il être naïf pour penser que le client, qui achète dans la prostitution le droit à l’irresponsabilité, va se soucier de la personne qu’il paie ? Ce qui le motive est le fantasme : une fuite totale de la réalité, précisément. Comme l’a montré notre enquête, il excelle, quels que soient ses actes, à construire un discours lui permettant d’être en règle avec sa conscience.
Jusqu’où ensuite faut-il être ignorant pour croire que les personnes prostituées échangent à cœur ouvert avec leurs clients ? La pratique quotidienne du terrain nous apprend que la première loi est pour elles de ne rien livrer à ces hommes d’elles-mêmes, de leur itinéraire, des raisons qui les ont amenées dans la prostitution. Simuler, dissimuler, sont des stratégies essentielles de mise à distance destinées à les protéger de cet agresseur potentiel. Les personnes prostituées ne se confient pas plus aux clients qu’à la police. Même méfiance, même distance.
Enfin, où se situe la limite entre la contrainte et la liberté ? Qui va la jauger, en décider ? Où commence la liberté ? Une maîtrise de philosophie devra au minimum accompagner la formation en psycho.
Laquelle est la plus libre ? Celle que son compagnon manipule, chantage à l’enfant aidant, pour la pousser dans la prostitution ? Celle qui a “choisi” par manque de perspectives une vie qu’elle supporte grâce à l’alcool ou au valium ? Celle qui, achetée et vendue par des proxénètes, n’est même pas choquée d’être l’objet de transactions financières et revendique sa liberté ? Celle qui se dit satisfaite de son sort parce que seul le déni des violences qu’elle subit lui permet de patienter dans une condition qu’elle veut croire transitoire ?
Les personnes qui en arrivent à la prostitution sont par définition celles qui se trouvent dans la situation la plus précaire, la plus vulnérable. Tout homme honnête, s’il prenait ses responsabilités, cesserait sur l’instant, ne serait-ce que dans le doute, d’exercer ce “droit” à l’exploitation sexuelle. Et toute femme engagée cesserait de couvrir ces agissements qui ouvrent la porte, au mieux à la violence et à l’inégalité, au pire à l’esclavage et à la barbarie.