Alors que s’ouvre ce 3 septembre 2019 le « Grenelle des violences conjugales » à Matignon, notre association explique pourquoi elle a décidé de s’investir dans ce travail collectif.
Début juillet, grâce à la mobilisation de nombreuses individu·es et associations féministes, ainsi que de l’association des familles des victimes de féminicide, un rassemblement s’est tenu Place de la République à Paris pour exiger la mobilisation pleine et entière de toute la société, et en particulier de l’Etat contre les féminicides. En effet, en six mois, 75 femmes avaient été assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint [[depuis, ce sont 101 femmes au total qui ont été victimes de féminicides conjugaux depuis le début de l’année]]. Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, a annoncé l’organisation d’un « Grenelle » sur le sujet le 3 septembre.
Le Mouvement du Nid est pleinement impliqué dans cette mobilisation. L’association a participé au travail conduit par la Fondation des femmes pour recueillir les propositions des associations de terrain. Nous participons au Grenelle à Matignon ainsi que dans les départements où nous sommes présents.
En effet, l’action de notre association auprès des victimes de la prostitution nous conduit nécessairement à participer, pour plusieurs raisons.
D’abord, parce que les féminicides, le fait de tuer une femme parce qu’elle est une femme dans le contexte d’une société sexiste, dépassent les violences conjugales. Chaque année, des personnes prostituées sont tuées, parce qu’elles sont des femmes. Elles sont, davantage que la population générale, victimes de violences sexistes et sexuelles (6 fois plus exposées au viol, multiples violences physiques et psychologiques, importante surmortalité).
Ensuite, la prostitution s’inscrit dans un continuum de violences sexuelles, allant du viol au harcèlement sexuel, et dans une longue tradition patriarcale de mise à disposition des femmes et de leurs corps au profit des hommes et de leurs prétendus « besoins sexuels irrépressibles ». La prostitution banalise et institutionnalise l’idée selon laquelle les hommes peuvent imposer un acte sexuel, que ce soit par la contrainte physique, morale, psychologique mais aussi par la contrainte économique et l’exploitation de la précarité d’autrui. « Les trois espaces où tout est permis sont le couple, la famille et la prostitution », déclare Muriel Salmona, psychiatre. Les violences qui s’exercent dans un lieu clos, dans l’intimité d’une chambre ou dans un hôtel de passe demeurent insuffisamment dénoncées. On considère, en effet, que c’est du domaine privé. Maintenues dans une chape de plomb, les victimes se terrent dans un silence honteux qui les isole, renforçant encore davantage le sentiment de puissance des agresseurs.
Enfin, la prostitution est une forme de violence conjugale. Des femmes victimes de violences conjugales sont soumises par leur conjoint à la prostitution. La stratégie des « lover boys » est très courante dans la prostitution, notamment la prostitution des mineurs : après avoir identifié une victime potentielle, souvent fragile, les proxénètes simulent une relation amoureuse et prostituent ensuite leur « petite-amie ».
La question des féminicides doit être appréhendée dans le cadre d’une politique publique transversale (allant de la prévention au traitement judiciaire et pénal de ces violences) et intégrant toutes les violences faites aux femmes. Ces violences perdurent parce qu’elles ne sont pas comprises comme des violences spécifiques, s’intégrant dans un continuum, faisant système, mais comme des drames individuels. Elles sont provoquées par une seule et même idéologie : le sexisme.
La stratégie des agresseurs des femmes est similaire d’une violence à une autre. Les victimes connaissent souvent plusieurs types de violences dans leur vie. Les politiques publiques à construire en la matière doivent le prendre en compte. Pour que le nombre de victimes de violences diminue effectivement, l’énergie et les moyens à déployer aujourd’hui doivent intégrer tous les types de violences. Pour toutes ces raisons, nous avons participé à l’élaboration et soutenons les revendications recueillies par la Fondation des femmes pour préparer ce Grenelle.