Au sein du Mouvement du Nid, ce sont des milliers de bénévoles qui se sont engagé·es depuis 80 ans. Nous avons choisi d’en faire témoigner certain·es, pour montrer la richesse et la diversité des profils qui s’engagent auprès des personnes prostituées et contre le système prostitueur.
Claire, Val-de-Marne
« J’ai toujours été engagée auprès des personnes exclues. Il y a près de 30 ans, un collègue m’a parlé du Mouvement du Nid. J’ai découvert alors que la prostitution était au carrefour de toutes les exclusions et indissociable de toutes les autres formes de violence faites aux femmes.
Et puis, j’ai eu une lle. J’ai décidé que je ne pouvais pas l’élever dans une société qui tolère que l’on traite encore les femmes de cette manière. Je me suis alors pleine-
ment investie au sein de l’association.»
Anne-Marie, Loire-Atlantique
« Longtemps j’ai cru que les motivations
qui m’avaient poussée à m’investir au Mouvement du Nid étaient d’ordre professionnel. Dans les
années 70, j’étais éducatrice spécialisée dans un centre d’observation de délinquantes à Lyon. J’y rencontrais des mineures qui se prostituaient sur la Côte d’Azur auprès de vieux beaux. Des sugar daddies avant l’heure… Pour se faire accepter par les bandes, ces adolescentes subissaient des viols collectifs. En danger, elles étaient pourtant considérées comme des délinquantes.
Lorsque je suis arrivée à Nantes, j’ai retrouvé une collègue engagée au Mouvement du Nid. Mes filles étaient pré-adolescentes, je voulais mener une action citoyenne, et j’ai décidé d’intervenir dans la prévention de la prostitution des mineur.e.s.
Aujourd’hui, je pense que l’origine de mon engagement remonte plutôt à mon enfance. Un voisin de mes parents qui était gendarme avait vu partir ses deux filles se prostituer à Paris, sans être jamais parvenu à les faire sortir du réseau. Il en souffrait terriblement. Cette histoire m’a beaucoup marquée : je ne comprenais pas pourquoi il était si difficile d’extraire des personnes de la prostitution. »
Morgane, Rhône
« J’ai rencontré deux femmes prostituées qui avaient accouché dans le service hospitalier où j’exerce en tant que sage-femme. J’ai été très sensible à la violence et aux diffocultés qu’elles vivaient au quotidien et à leur forte envie de sortir de ce milieu. Étant foncièrement abolitionniste, j’ai voulu m’investir au Mouvement du Nid que j’ai connu par deux bénévoles venues soutenir ces deux femmes à l’hôpital. »
Sabine, Seine-Maritime
« Enseignante retraitée, je me suis investie au sein de la délégation parce que je suis féministe et que je soutiens fermement l’idée que le corps des femmes n’est pas à vendre. Je connais le Mouvement du Nid depuis longtemps : ma mère était déjà en contact avec l’association. »
Daniel, Rhône
« Le Mouvement du Nid m’a ouvert les yeux et le cœur sur une population que je ne connaissais pas du tout, des personnes en grande souffrance qui avaient besoin d’être écoutées, aidées, soutenues. Il me donne d’exprimer aujourd’hui le sens essentiel de ma vie.
De plus, au sein de l’association, j’ai découvert une équipe de femmes et des hommes portés par un altruisme, un profond humanisme et une très grande générosité, indépendamment des convictions individuelles. Mon investissement avec ce groupe pluraliste est pour moi une grande source d’admiration et de joie. »
Christine, Haut-Rhin
« J’ai grandi dans un milieu familial très investi dans le social, en particulier les mouvements d’éducation populaire. Mon père a d’ailleurs fondé un centre aéré dans le village où nous vivions. De mon côté, j’ai toujours été engagée dans les associations.
J’étais profondément choquée par le regard que certains de mes amis portaient sur la prostitution. Ils trouvaient normal, par exemple, que des femmes soient sacrifiées pour les « besoins » des hommes. Alors, je suis entrée au Mouvement du Nid en 2005.
Bernard, Hauts-de-France
« En juin 1975, alors que je participais à une session syndicale, j’ai entendu parler de « prostituées » qui occupaient une église de la ville de Lyon. Ayant rencontré à cette occasion des militants du Nid, j’ai été tout de suite réceptif à leur approche. Tout en aidant les personnes prostituées, elles et ils cherchaient à alerter l’opinion publique sur les causes et les conséquences du système prostitutionnel. Ils agissaient pour faire évoluer la situation.
J’étais d’autant plus sensible à la situation des personnes prostituées que j’habite à la frontière belge où il y a beaucoup de maisons closes. Dès mon retour à Lille, j’ai donc pris contact avec des bénévoles qui commençaient à s’organiser pour créer la délégation de Lille. »
Aude, Bas-Rhin
« Sensible depuis toujours à la cause féministe, j’ai été très choquée, en 2015, par la façon dont les médias ont relaté l’affaire DSK. Jamais il n’a été question du trauma subi par les victimes du réseau. Ayant découvert le Mouvement du Nid à cette occasion, j’ai été sensible à son message pour l’abolition du système prostitueur. »
Pierre, Indre-et-Loire
« Lorsque je dirigeais une maison d’enfants, j’étais confronté régulièrement à des jeunes filles prostituées ; j’encourageais vivement mes équipes à contacter le Mouvement du Nid pour obtenir de l’aide. D’emblée, j’ai été sensible à l’approche abolitionniste de l’association. »
Marie-Claude, Sarthe
» Je poursuis la mission de ma mère qui a toujours eu une écoute bienveillante vis-à -vis de jeunes femmes qui « montaient » au Mans pour rencontrer des notables. À mon adolescence, ma mère m’a expliqué ce qu’il en était, sans jugement de sa part.
À l’occasion d’une formation, j’ai rédigé un mémoire « sur la complexité du corps prostitué » et j’ai donc interviewé des personnes prostituées avec, comme accompagnatrice de ce travail, Colette Villey. Cette militante du Mouvement du Nid a été à l’origine de mon engagement à l’association. »
Jacques, Hauts-de-Seine
« C’est suite à l’appel du Père Talvas, qui souhaitait une revue professionnelle, que j’ai fait mes premiers pas au Mouvement du Nid, en tant que journaliste. Travailler sur les moyens de sensibiliser l’opinion à la question de la pros- titution m’a ouvert les yeux. C’est un combat qui m’est vite devenu indispensable, en particulier la prévention en direction des jeunes. Pour moi, ce qui a été important a été l’engage- ment sur la durée. Construire des projets, faire passer des idées, mobiliser l’opinion, c’est mieux quand on a la chance de pouvoir le faire sur des décennies. Changer la société, ce n’est pas seulement s’engager en politique. Mon engagement associatif au Mouvement du Nid est aussi un moyen d’y parvenir. »
Viviane, Moselle
« Ce qui m’a marquée toutes ces années au Mouvement du Nid, c’est l’immense courage dont font preuve ces femmes et ces hommes, malgré leur détresse. En tant qu’infirmière, je suis portée par cette intime conviction qu’il reste toujours quelque chose à faire, même lorsqu’il n’y a plus rien à faire. »
Yves, Sarthe
« Mon envie de m’investir auprès des personnes prostituées remonte à l’époque où j’étais étudiant à Tours et qu’une femme m’a abordé en me disant « tu montes chéri ? ». Ce jour-là , un déclic s’est produit ; j’ai pu faire le lien avec un événement qui m’avait marqué lorsque j’étais enfant : mes parents habitant dans un quartier de prostitution à Rennes, lorsque je posais des questions à ma mère sur ces femmes en petite tenue qui m’intriguaient beaucoup, elle me répondait que c’était une affaire de grands… »
Rosemarie, Bas-Rhin
« Je suis touchée par la situation des personnes prostituées depuis très longtemps. Lorsque j’étais enfant, je pressentais qu’elles cachaient toutes un drame personnel. Et puis j’étais très en colère contre les hommes : comment pouvaient-ils s’humilier en usant ainsi du corps des femmes ?
Institutrice, j’avais dans ma classe des enfants de personnes prostituées. Certains passaient la nuit sur le paillasson de leur appartement ; d’autres étaient à la rue. « Elle nira comme sa mère » : cette phrase que j’entendais régulière- ment me faisait bondir.
Muriel, Var
« Au moment où j’ai cessé mon activité profession- nelle, j’ai voulu donner du temps aux personnes qui en avaient besoin. Contrairement à mes ami.e.s qui avaient choisi de se consacrer aux enfants et aux personnes âgées, j’ai préféré aider les personnes en situation de prostitution. Naturellement sensibilisée à cette cause qui me révoltait – des femmes chosifiées par des individus qui profitent de leur vulnérabilité –, j’ai donc pris contact avec la délégation de Toulon.
Depuis 35 ans que je suis militante, la prostitution me révolte toujours autant. »
Isabelle, Bas-Rhin
J’ai découvert la prostitution près de la cité universitaire où je résidais, alors que j’étais étudiante. J’avais été interpellée à deux reprises par des garçons qui m’avaient demandé : « C’est combien ? ». À partir du moment où je me trouvais sur un lieu de prostitution, j’étais achetable. Cette situation m’a fait réfléchir et j’ai voulu comprendre pourquoi ces femmes étaient là , sur le trottoir.
Marie-Renée, Morbihan
« À 94 ans, je suis toujours aussi révol- tée par cette destruction de la personne. J’ai découvert la prostitution à Tours en 1972 chez un couple de chômeurs ; leurs deux filles subvenaient aux besoins de la famille en se prostituant le soir, sur les boulevards. J’ai alors créé une délégation dans cette ville, puis à Lorient en 1986. Nous avons aidé un certain nombre de personnes à quitter la prostitution. »
Évelyne, Essonne
« J’ai connu le Père Talvas dans les années 1970, lorsque j’étais salariée à l’Amicale du Nid à Clichy. À la retraite, j’ai décidé de rejoindre le Mouvement du Nid. J’étais profondément marquée par la force de conviction du Père Talvas qui disait : « Ne cessez jamais de semer, les personnes que vous accompagnez reviendront toujours vers vous. »
Nous avons accueilli pendant près d’un an une jeune lle qui nous a mené une vie tellement dif cile qu’on a ni par lâcher prise. Elle ne voulait plus nous voir. Néanmoins, j’étais intimement persuadée qu’elle reviendrait. Ce fut le cas. Aujourd’hui, elle est un des plus beaux exemple de sortie de prostitution de notre délégation. »
LES DÉLÉGATIONS, UN ACCUEIL À VISAGE HUMAIN
« Nos petites structures ont encore une certaine liberté de mouvement. C’est devenu très rare
dans le secteur social où les services sont saturés
et les professionnels en grande souffrance : le « management » fait peser la pression du chiffre et les dossiers trop compliqués à gérer sont écartés. Dans nos délégations, nous avons certes des comptes à rendre mais nous gardons une marge de manœuvre. Notre accueil est inconditionnel pour toutes ces personnes démunies et isolées. Et si nous souhaitons consacrer deux jours à l’une ou poursuivre un dossier
pendant trois ans, c’est possible. Nous pouvons encore mettre en œuvre un accompagnement de qualité professionnellement mais aussi humainement. À la permanence, les femmes se retrouvent, elles rient, lient des amitiés. Les ateliers leur apprennent à se faire plaisir, tout simplement. Un lien de con ance s’établit entre elles et avec nous qui ne comptons pas nos heures. Il y a une vie, des échanges, un véritable « vivre ensemble ». Nous sommes un écosystème en voie de disparition. Il faut tout faire pour le sauver. »
Une responsable de la délégation de Paris