En avril 2016, la France adoptait une loi historique en matière de prostitution. Son premier anniversaire intervient en pleine période électorale. Entre bilan de la mise en œuvre de la loi et interpellation des candidat.e.s aux élections présidentielle et législatives, nous revenons sur un mois d’avril important pour notre mouvement.
Depuis le 13 avril 2016 et la promulgation de la loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, la législation française reconnaît la prostitution pour ce qu’elle est : une forme de violence contre les femmes, une atteinte à l’intégrité et la dignité humaine et un obstacle majeur à l’égalité femmes-hommes. Cette loi est venue compléter l’arsenal juridique déjà strict en matière de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains. Elle a fait de la protection et de l’accompagnement des personnes prostituées une obligation légale et a interdit l’achat d’actes sexuels. Le code de l’éducation en matière d’éducation à la sexualité et de prévention des pratiques prostitutionnelles est désormais relativement ambitieux.
Premier bilan de la mise en œuvre de la loi du 13 avril 2016
Un an après, un premier bilan de la mise en œuvre de cette loi peut être dressé. Quatre décrets d’application (sur cinq) et deux circulaires, mobilisant quatre ministères différents, ont été publiés. Cela montre la détermination des pouvoirs publics à faire appliquer cette loi historique qui a modifié neuf codes législatifs et refondé ainsi, comme jamais depuis 1946, l’ensemble des politiques publiques en matière de prostitution.
Dès le lendemain de la promulgation de la loi, l’inversion de la charge pénale des personnes prostituées vers les clients de la prostitution a été effectivement mise en œuvre. Alors que chaque année, plus de 1500 personnes prostituées étaient arrêtées au titre du délit de racolage, plus aucune personne prostituée n’a été interpellée pour ce motif après le 14 avril 2016. Contrairement à ce que les opposants idéologiques à la loi laissaient entendre, les policiers et magistrats français n’ont rencontré aucune difficulté pour sanctionner l’achat d’actes sexuels. Les premiers acheteurs de sexe ont été interpellés seulement quelques semaines après l’adoption de la loi. Un an après son adoption, 937 d’entre eux ont été interpellés. Dans l’écrasante majorité des cas, ils ont reconnu les faits et payé une amende dans le cadre d’une composition pénale. Rendus applicables par un décret du 14 décembre 2016, les stages de responsabilisation des acheteurs de sexe, sont en train d’être mis en place.
La loi du 13 avril 2016 a créé une circonstance aggravante pour les violences physiques et sexuelles commises à l’encontre des personnes prostituées. Cette disposition a déjà été utilisée dans plusieurs procès et a permis de sanctionner plus lourdement les violences commises à l’encontre des personnes prostituées. Combinée à l’abrogation du délit de racolage, cette mesure rappelle aux services de police et aux magistrats que les personnes prostituées sont d’abord des victimes de violences et non des délinquantes.
Les premières commissions départementales se sont tenues en avril 2017. Elles doivent établir dans chaque département une politique de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains, et mettre en place les parcours de sortie. Ces parcours de sortie déclencheront de nouveaux droits :
La nouvelle loi permet aux préfets d’octroyer un titre de séjour aux victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains, même si elles ne peuvent ou ne veulent dénoncer leurs proxénètes. Mais elle rend aussi automatique l’octroi d’un titre de séjour lorsque les personnes ont coopéré avec les services de police ou de justice. Cette seconde disposition est applicable depuis le 28 octobre 2016. Nous n’avons pas encore de chiffres relatifs à son application.
Pour aller plus loin, interpelons les candidat.e.s
Tout cet arsenal législatif est précieux. Il permet de limiter le phénomène prostitutionnel. Nous comptons environ 37.000 victimes de la prostitution et de la traite des êtres humains en France. L’Allemagne qui a dépénalisé le proxénétisme et rouvert ses bordels en 2002 en compte 400 000.
Mais 37.000 victimes des violences insoutenables que constitue, en soi, la prostitution et qu’elle génère, c’est considérable. Le taux de suicide des personnes prostituées est au moins 12 fois plus élevé que dans la population générale. En 2014, huit personnes prostituées ont été assassinées. Il faut y ajouter plusieurs milliers de mineur.e.s en situation de prostitution dont la prise en charge est proche du néant dans notre pays, ce phénomène restant largement nié par les autorités. Enfin, malgré un bon arsenal juridique, la lutte effective contre le proxénétisme reste limitée, et particulièrement sur Internet.
Face à ce constat, le collectif Abolition 2012 mène une campagne d’interpellation des candidat.e.s aux élections présidentielle et législatives pour qu’ils s’engagent à améliorer significativement cette situation. Pour les victimes actuelles de la prostitution, pour prévenir les pratiques prostitutionnelles, pour promouvoir dans notre pays une sexualité choisie, non marchande, et l’égalité entre les femmes et les hommes.
Nous leur demandons des propositions précises quant à six enjeux majeurs :
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La campagne peut être relayée à partir du site www.abolition2012.fr.