La loi pénalisant la clientèle des prostituées devrait être définitivement votée début 2015. Partout dans le monde, les pays légifèrent pour lutter contre l’exploitation d’êtres humains.
Les problématiques de la prostitution sont les mêmes partout dans le monde. Hier, le premier Congrès international pour l’abolition du système prostitutionnel a eu lieu à Paris, à l’initiative de CAP international, une fédération d’associations dont font partie en France le Mouvement du Nid et la Fondation Scelles.
Des anciennes prostituées, des « survivantes » comme elles se présentent, ont pris la parole. Sans tabou. Souvent avec des mots crus, mais qui disent la réalité, la violence de l’univers de la prostitution. Je n’ai pas connu le côté glamour du film « Pretty Woman« . Pour moi, la prostitution est la plus vieille oppression du monde
, explique l’Américaine Vednita Carter, qui préside aujourd’hui une fondation de soutien aux prostituées. La prostitution n’est pas compatible avec l’humanité
, souligne l’Irlandaise Mia De Faoité qui, durant six années, est également tombée dans la toxicomanie pour survivre dans ce monde de violence. Après trois ans de prostitution, j’ai pensé à me suicider. Je n’étais plus rien. Je me sentais inutile à rien. Il faut arrêter de dire que nous sommes des travailleuses du sexe. Ce n’est ni un travail, ni du sexe…
, note la Danoise Tanja Rahm, qui s’est sortie d’une spirale dévastatrice après neuf ans de thérapie.
Amende de 1500 euros pour le client
Dans le monde entier sont votées de nouvelles lois pour combattre ce fléau, qui toucherait près de 600 000 personnes en Europe, selon l’Organisation internationale du travail.
Le prochain pays à sanctionner les clients sera le Canada, à partir du 6 décembre. Il faut viser la demande. C’est le seul moyen pour combattre cette industrie
, explique la survivante canadienne Diane Matte.
Et en France ? Au début de l’été, la commission spéciale du Sénat avait rejeté la pénalisation des clients, un des piliers de la proposition de loi de « lutte contre le système prostitutionnel » votée par l’Assemblée nationale le 4 décembre 2013. Mais on espère que les sénateurs, lors de l’examen en séance plénière, rétabliront la pénalisation. Moi, je retiens surtout que la commission a amélioré le texte des députés concernant l’accompagnement des prostituées en proposant la création d’un fonds alimenté par les sanctions financières sur les proxénètes
, précise la députée socialiste de la Vienne Catherine Coutelle, qui a porté la loi avec sa collègue de l’Essonne Maud Olivier.
Finalement, la loi devrait revenir à l’Assemblée nationale au premier trimestre 2015. Matignon nous a indiqué que la loi devra aboutir dans sa globalité. Une contravention de 1500 euros pourra être exigée à un client
, soutient Grégoire Théry, délégué général de Cap international.
Tabou dans l’Éducation
La prostitution, ce n’est pas toujours avoir une relation avec Brad Pitt…. Il faut que les collégiennes et les lycéennes le comprennent
, insiste la survivante française Laurence Noëlle, qui intervient dans le milieu éducatif. La prévention et l’éducation sont deux autres piliers de la loi. Reste que les établissements scolaires français semblent très frileux pour aborder le sujet. Les chefs d’établissements craignent la réaction des parents d’élèves. La prostitution est encore taboue. Rien que de l’évoquer, cela fait peur aux parents
, constate Claire Quidet, la vice-présidente du Mouvement du Nid.
Enfin, après le Congrès international, un appel solennel de parlementaires français et étrangers en faveur de l’abolition dans le monde sera lancé aujourd’hui. Tous les pays sont concernés. Le but est de ne pas exporter chez le voisin ce que l’on ne veut pas chez soi. On ne veut pas que les clients passent les frontières. Il faut penser global
, indique Maud Olivier.